Retraites, économies, immigration... Michel Barnier précise le cadre de son action politique et esquisse plusieurs mesures

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre, Michel Barnier, s'exprime devant les sénateurs, à Paris le 2 octobre 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Le Premier ministre a donné une interview à "La Tribune dimanche", alors qu'il va affronter sa première motion de censure mardi et présenter son projet de budget pour 2025 jeudi.

Il égrène de nouveau plusieurs pistes d'économies. Le Premier ministre, Michel Barnier, s'exprime dans un entretien à La Tribune dimanche, dimanche 6 octobre, alertant une nouvelle fois sur les risques d'une "crise". Des déclarations faites alors que le chef du gouvernement affrontera une motion de censure mardi et qu'il doit présenter jeudi son projet de budget pour 2025. Michel Barnier annonce dans cette interview qu'il se rendra en Nouvelle-Calédonie "le moment venu", espérant trouver un "chemin d'apaisement" grâce aux mesures prévues dans sa déclaration de politique générale. Voici plusieurs éléments à retenir de ses propos.

Le report de la revalorisation des retraites confirmé

Michel Barnier confirme le report de la revalorisation des retraites du 1er janvier au 1er juillet, qui doit réduire les dépenses "à hauteur de 4 milliards d'euros", à moins que les parlementaires "trouvent des économies équivalentes" ailleurs. "Je comprends que cette mesure, que nous avons mise dans le budget, une réévaluation qui aura lieu en 2025 de toute façon, (...) provoque et crée des préoccupations, notamment pour tant de gens qui ont des petites retraites", avait auparavant admis le Michel Barnier en marge d'un sommet de l'élevage dans le Puy-de-Dôme.

Les députés RN s'opposeront à ce report, a annoncé vendredi leur cheffe de file, Marine Le Pen, sur le réseau X. Un texte d'abrogation sera par ailleurs proposé le 31 octobre à l'Assemblée nationale, à la faveur d'une "niche parlementaire" du groupe RN.

Des pistes d'économies dévoilées

"La crise, si on ne fait rien, est probable. Notre devoir est donc de la prévenir." Une fois de plus, Michel Barnier justifie ses mesures de "redressement" des finances publiques déjà contestées, qui représenteront 60 milliards d'économies dans le prochain budget, dont 40 milliards de réductions de dépenses et 20 milliards d'impôts supplémentaires. "C'est un devoir de responsabilité de freiner le déficit public", dit-il. "Les hausses d’impôts seront exceptionnelles et ciblées sur les grandes entreprises et les très hauts revenus. Leur durée maximale sera de deux ans et elle sera inscrite dans la loi", explique ainsi le Premier ministre, après une première mise au point dans l'émission "L'Evénement" jeudi soir.

Michel Barnier déclare aussi dans La Tribune vouloir "revoir" les allègements de cotisations des entreprises, avec l'objectif de "retirer" quatre milliards d'aides. D'autres pistes sont esquissées dans la sphère sociale, comme "le coût des arrêts de travail". "Nous en discuterons avec les parlementaires", déclare-t-il à ce sujet. Ou les "effets d'aubaine" de l'apprentissage, sans objectif chiffré à ce stade.

L'Etat va également être mis à contribution et "nous allons demander un effort à tous les ministres", affirme le chef du gouvernement. Y compris la Défense, la Justice ou la Recherche, pourtant couverts par des lois de programmation, mais qui "devront fournir leur part d'efforts, notamment par redéploiement".

Le Premier ministre entend, de manière générale, "simplifier le fonctionnement de l'Etat" en supprimant des doublons tels que les "deux agences pour promouvoir l'économie française à l'étranger", Business France et Atout France. "Nous allons aussi engager un travail avec les collectivités locales", avec Catherine Vautrin, la nouvelle ministre du Partenariat avec les territoires. Toutefois, il assure qu'il "n'y aura pas de coup de rabot" sur les postes dans la fonction publique. "Je sais que l'on a besoin de fonctionnaires pour un service public de qualité dans la santé, à l'hôpital, à l'éducation nationale, pour la sécurité."

En matière d'immigration, des "moyens" pour faciliter les expulsions

Le Premier ministre souhaite "utiliser tous les moyens" pour faciliter les expulsions, "y compris la renégociation de traités bilatéraux, pour améliorer le dialogue avec le Maroc, l'Algérie, le Sénégal et d'autres pays". Un sujet qui relève d'une compétence diplomatique partagée avec Emmanuel Macron. "J'en parlerai avec le chef de l'Etat pour que nous trouvions les meilleures solutions", déclare ainsi Michel Barnier.

Toutefois, pas de loi sur l'immigration, comme réclamée par Marine Le Pen. "Si on veut agir le plus efficacement et le plus rapidement pour les Français, il faut d'abord effectivement mettre en œuvre tout l'arsenal qui existe", fait-il valoir. "Proposer de nouvelles lois et les faire voter, ça prend du temps. Je ne dis pas qu'on ne le fera pas, mais l'agenda est déjà chargé."

Une visite en Nouvelle-Calédonie "le moment venu"

"Je pense que c'est la responsabilité d'un Premier ministre." Michel Barnier a annoncé qu'il se rendrait en Nouvelle-Calédonie "le moment venu", espérant trouver un "chemin d'apaisement" grâce au "report des élections qui étaient prévues et [à] la non-saisine du Congrès pour entériner le dégel initialement prévu du corps électoral", mesures évoquées lors de sa déclaration de politique générale. "Nous prendrons le temps, au moins une année, pour en rediscuter et trouver un nouvel équilibre. Nous pouvons reconstruire un dialogue entre toutes les communautés", a-t-il précisé, en rappelant que la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat, Gérard Larcher, effectueraient une mission de bons offices dans l'archipel.

Le projet de réforme du corps électoral, porté par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, avait déclenché, à partir de mai, les pires émeutes depuis quarante ans en Nouvelle-Calédonie, faisant 13 morts, dont deux gendarmes. D'énormes dégâts sont aussi à déplorer et les tensions dans l'archipel sont toujours d'actualité.

Des mots d'apaisement pour ses alliés politiques

"J'ai confiance en mes alliés." A quatre jours de la présentation du budget 2025, le Premier ministre reconnaît qu'il aura "besoin de tout le monde" et rend un hommage appuyé à son prédécesseur Gabriel Attal, désormais chef du premier groupe de sa majorité très relative. Face à "une situation très dégradée", Michel Barnier joue donc l'apaisement avec son propre camp.

"La dette que j'ai trouvée n'est pas seulement celle de mes prédécesseurs immédiats", mais "le fruit de vingt ans de laisser-aller", souligne-t-il dans l'entretien, où il crédite Gabriel Attal d'avoir "commencé à réduire la dépense publique et à faire des efforts". Un geste d'apaisement après les tensions apparues ces dernières semaines entre les deux hommes, en désaccord notamment sur les hausses d'impôts envisagées par le nouveau locataire de Matignon.

"J'ai beaucoup d'estime pour Gabriel Attal. C'est un élu de grande qualité qui a un avenir. J'entends bien ce qui se dit, mais il n'y a entre nous aucune difficulté, même si nous avons un tempérament et un style différents", assure Michel Barnier, qui n'oublie pas que son cadet dirige un contingent de 95 députés. "Il est à la tête d'un groupe parlementaire important. J'ai besoin de lui", admet-il. Plus largement, "le gouvernement a besoin de tout le monde", ajoute-t-il, citant "en particulier" les ténors du centre et de la droite Laurent Wauquiez, François Bayrou et Edouard Philippe.

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