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Immunité Dassault : vers un retour du vote à main levée au Sénat ?

Le président socialiste du Sénat, Jean-Pierre Bel, propose de revenir sur le vote à bulletin secret au Sénat, après le refus mercredi par les sénateurs de lever l'immunité de Serge Dassault. Une idée défendue également par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Des responsables de la majorité estiment que Serge Dassault n'a pu conserver son immunité que grâce au vote d'un ou plusieurs élus de gauche.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Sebastien Muylaert Maxppp)

Y-a-t-il un loup dans la bergerie ? La question se pose après le vote au Sénat mercredi, qui a abouti au refus de la levée de l'immunité de Serge Dassault. Des magistrats du pôle financier de Paris voulaient placer en garde à vue le sénateur UMP de 88 ans, ex-maire de Corbeil-Essonnes, dans le cadre d'une enquête sur des achats présumés de voix dans sa ville. Ce ne sera donc pas possible : le Sénat a voté contre à 13 voix contre 12.

Depuis, les réactions se multiplient. Et selon des responsables de la majorité, cette décision n'a été possible que grâce à un ou plusieurs élus de gauche. Selon Le Monde.fr également, qui a procédé par recoupements, le sénateur venu à la rescousse de l'industriel "se trouve  probablement dans les rangs du PS ". Comme le bureau du Sénat est composé de 14 élus de gauche et 12 de droite, il a donc manqué deux voix de gauche pour lever l'immunité du milliardaire.

"Le retour à la règle de droit commun, qui est le vote à main levée"

Ce doute existe car le vote au Sénat se fait à bulletin secret. D'où la proposition de Jean-Pierre Bel, président socialiste du Sénat, dans un communiqué : "Quand je vois les retombées de cette décision et le débat  qu'elle suscite, les suspicions sur le vote des uns et des autres, je m'interroge, en tant que président du Sénat, sur la  pertinence du vote à bulletin secret."

"Je proposerai de revenir sur cette pratique et le retour à la règle de droit commun, qui est le vote à main levée. Cela permettrait que chacun assume publiquement sa position sur des questions graves ", ajoute-t-il. Un ministre estime aussi que le Sénat a une déférence exagérée envers Serge Dassault en raison de son statut de grand industriel.

"Plus aucun vote à bulletin secret" (Jean-Marc Ayrault)

Une déclaration qu'"approuve tout à fait " le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Il s'est dit "choqué " par la décision de mercredi. Il demande qu'il n'y ait "plus aucun vote à bulletin secret " pour les demande de levées d'immunité. "Il faut la transparence dans les votes, mais aussi sur ce qui se passe au  bureau du Sénat, où le travail est opaque ", ajoute la présidente du groupe communiste Eliane Assassi. Jean-Pierre Bel a également reçu le soutien du président socialiste de l'Assemblée nationale : 

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Vote à bulletin secret depuis 2009

Mais pour la droite, ce vote à main levée permettrait juste aux sénateurs d'un même bord de se surveiller entre eux. Un sénateur UMP dénonce une initiative servant uniquement à démasquer le "traître" lors d'un vote. 

Retour historique. Entre 1958 et 1995, le vote se faisait dans l'hémicycle en séance publique. A partir de 1995 et jusqu'en 2009, changement de procédure, le vote se faisait au sein du bureau du Sénat et à main levée. Ce n'est donc que depuis cette date, 2009, avec l'arrivée du sénateur UMP Gérard Larcher, que le vote se déroule à bulletin secret. Et ce dernier met en garde jeudi contre toute précipitation :

"Nous avons alors opté pour le bulletin secret, en pensant qu'un vote sur la levée d'une immunité est un vote de conscience, et non un vote de discipline politique" (Larcher)

L'ex-président du Sénat rappelle que le bureau avait voté la levée de l'immunité du sénateur UMP Gaston Flosse, "alors que la  sensibilité politique du Sénat était alors la même que " celle de l'élu polynésien. Mais cela peut prendre du temps, puisque cette fois-là les juges avaient dû s'y reprendre à trois fois.

La proposition de Jean-Pierre Bel, du retour au vote à main levée, devra être faite lors d'une réunion du bureau du Sénat, considéré comme son "conseil d'administration". Il est fort probable qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de sa prochaine réunion en février. Les décisions du bureau sont généralement prises par consensus. Quant à l'autre question, de savoir si cette immunité parlementaire doit être maintenue, elle n'est pas à l'ordre du jour.

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