La France insoumise : la nouvelle direction autour de Manuel Bompard attise les critiques au sein du mouvement
Le manque de démocratie interne menace une fois de plus de plonger La France insoumise dans la crise. Au moment où Manuel Bompard, proche de Jean-Luc Mélenchon, s'apprête à prendre la direction du mouvement de la gauche radicale, des voix s'élèvent pour protester contre la nouvelle organisation dévoilée samedi 10 décembre, qui écarte plusieurs figures insoumises.
A l'Assemblée représentative de LFI à Paris, la composition des différents pôles de la direction a été annoncée aux 160 cadres et militants présents et se retrouve d'ailleurs sur le site du mouvement. Manuel Bompard, qui avait annoncé jeudi à l'AFP qu'il "poursuivrait le travail" entamé officieusement après le retrait en septembre d'Adrien Quatennens, n'a pas été désigné formellement samedi par ces pôles, mais le député LFI devrait l'être lors d'une prochaine réunion de coordination.
Des figures écartées
Si plusieurs jeunes partisans de Jean-Luc Mélenchon comme Bastien Lachaud, Paul Vannier ou Antoine Léaument font partie de cette "coordination", ce n'est pas le cas de figures comme les députés Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin ou encore Eric Coquerel. A l'heure où les autres partis de l'alliance de gauche Nupes sont en congrès et votent, Manuel Bompard dit préférer le "consensus" aux élections pour éviter "l'affrontement entre une majorité et des minorités".
"Une direction politique qui veut prendre le pouvoir en 2027 doit agréger, pas écarter", estime un élu qui se confie dans Mediapart. "Alors que le moment appelle pour LFI à la cohésion et l'ouverture, la direction choisit la fermeture et le verrouillage, tacle auprès de l'AFP Clémentine Autain. Fer de lance de la Nupes, notre mouvement a une responsabilité historique, notamment dans la course contre l'extrême droite, mais le message envoyé est de nature à fragiliser le rassemblement."
Si la désignation de Manuel Bompard à la tête du mouvement est "naturelle car il sait très bien organiser", selon Eric Coquerel, le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale affirmait aussi, vendredi, la "découvrir". D'une manière générale, "il serait souhaitable que soit représentée dans la direction toute la nuance du mouvement", a plaidé l'élu de Seine-Saint-Denis – mais il n'a pas été entendu. "Je n'ai été au courant de rien, aucune info, aucun coup de fil", peste en privé un autre pilier du groupe, cité par l'AFP. "J'ai candidaté [pour l'un des pôles] et fait des propositions… sans réponse."
"C'est une blague"
"Il y a un manque de transparence, de démocratie et un fonctionnement clanique", regrette une sympathisante, membre du Parlement de l'Union populaire pendant la campagne présidentielle. "LFI fonctionne par cercles concentriques, tout se décide dans le noyau", explique un député à Libération.
A côté de la direction opérationnelle restreinte va être créé un "conseil politique", lieu de débat sur la stratégie composé d'élus, personnalités et cadres insoumis. Cette instance, sans dirigeant et à la fonction consultative, n'était pas prévue jusqu'à très récemment, témoignent plusieurs députés qui ont appris son existence cette semaine. Qu'ils acceptent d'y siéger n'est pas acquis, prévient un poids lourd du groupe LFI. "Ils ont décidé de nous mettre dehors, du coup, ils créent un machin pour faire diversion. Il se réunira tous les mois, c'est une blague…"
"[Manuel Bompard] s'est autodésigné, a fait une direction à sa main – une purge – tout en détenant l'argent."
Un poids lourd de LFIà l'AFP
Ces remous éclipsent les réformes devant "changer la nature du mouvement", dixit Manuel Bompard : création de boucles départementales pour que les groupes d'action locaux, jusque-là autarciques, communiquent entre eux, "contributions volontaires" que les militants pourront affecter eux-mêmes aux postes de dépenses locaux ou nationaux, achat de locaux dans les zones rurales et périurbaines pour tenter d'y rivaliser avec le Rassemblement national, création d'une école des cadres… "Tout cela va dans le bon sens" pour ancrer et diversifier le mouvement, estime Eric Coquerel. Mais le député LFI ne se dit pas contre de futures élections internes, parce que "les gens ont envie de donner leur avis".
Loin des polémiques, Jean-Luc Mélenchon a pris la parole samedi matin devant l'Assemblée représentative. Il va codiriger, avec la députée Clémence Guetté, l'Institut La Boétie, think tank insoumis, et intègre la "coordination" du mouvement. Il veut rester la "clé de voûte" mais être moins directement "acteur", assure un proche du tribun.
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