La stratégie numérique de Manuel Valls
Les réponses du député-maire d'Evry et candidat à la primaire PS à notre questionnaire sur sa vision d'Internet et des réseaux sociaux dans la campagne présidentielle.
Quelle sera votre présence sur le numérique et en particulier sur les réseaux sociaux pour votre campagne électorale ? Utilisez-vous déjà Twitter et/ou Facebook ?
Si je suis sur Facebook depuis plusieurs mois, je suis un nouvel utilisateur de Je n'ai pas de staffs dédiés à ma communication, mon équipe ressemble plutôt à une start-up. Alors, j'attache beaucoup d'importance à répondre moi-même sur Twitter aux questions, remarques… La force de Twitter, c'est de pouvoir supprimer toute barrière entre le citoyen et le politique. Y être, c'est s'imposer soi-même un franc parler et un devoir de vérité… et ce n'est pas pour me déplaire !
Pensez-vous que l'élection présidentielle puisse se jouer sur internet ?
Internet est à la fois un moyen de communication, et le signal d'une société qui évolue, notamment dans le rapport entre les citoyens et le politique. Le politique, à la fois les discours ou les personnes, n'est plus sacralisé comme il l'a été dans le passé. Il est fini le temps où les électeurs signaient un chèque en blanc, en se fiant aux promesses électorales. Internet a été pour beaucoup dans cette évolution, car les mots sont confondus avec les actes en un temps record.
Qu'on se le dise, Twitter ne sera pas l'arme infaillible de 2012. Mais ne pas comprendre les évolutions que ces réseaux sociaux ont amené, c'est rester au XXème siècle. Le nouveau siècle qui s'ouvre, par ses crises économiques, sociales et peut-être même démocratiques, impose une révolution des mentalités, en premier lieu dans la sphère politique.
A vos yeux, le débat démocratique dans le monde virtuel est-il au moins aussi important que dans le monde réel ?
Il n'y a pas de hiérarchie dans l'importance des débats. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai soutenu, avec succès d'ailleurs, le principe de débats publics entre les candidats aux primaires citoyennes. Mais le débat n'a de sens que si les citoyens peuvent y participer : le débat entre amis, dans les salons dorés, n'a aucun intérêt.
Ce ne sont évidemment pas les mêmes modes de débats sur le terrain ou sur la toile. Internet permet d'échanger avec un public qui ne viendrait jamais dans un meeting. Il faut donc être partout, présents sur tous les espaces, et surtout, répondre à toutes les interrogations. L'internaute vaut tout autant que l'habitant qui vient à votre rencontre lors d'un marché. Laisser ses équipes répondre à sa place sur Twitter, c'est donc exprimer une forme de négligence envers le débat démocratique. Cependant, ne soyons pas démago : le débat est limité lorsque sont autorisés seulement 140 caractères ! La politique nécessite aussi de la pédagogie, de la réflexion. C'est pourquoi j'écris régulièrement des livres pour expliciter davantage ma vision de la société. Ce temps long est nécessaire pour bâtir un projet solide.
Que pensez-vous des considérations qui veulent qu'internet soit une poubelle à rumeurs, une caisse de résonnance pour tout et n'importe quoi, ou bien un réseau d'intelligence sociale ?
Evidemment, Internet véhicule des rumeurs, fait naitre des buzz indignes. Mais dire cela, c'est ne rien dire : quel espace, y compris dan s la vie « réelle », ne connait pas d'excès ? La presse classique ne s'est elle jamais emportée quitte à bafouer parfois l'honneur de femmes et d'hommes ? C'est pourquoi il faut bien sur des règles. Il ne faut pas oublier qu'Internet, et l'utilisation qui en est faite, reste nouveau. Les règles doivent donc aussi être nouvelles. Nous devons inventer ce nouveau modèle, et la gauche doit être aux avants postes. La droite, par sa mauvaise réponse de l'Hadopi, par sa difficulté à réduire la fracture numérique, n'est pas en position de le faire. Nous ne devons pas louper la révolution du web 2.0.
Êtes-vous pour ou contre une régularisation du web ? Êtes-vous pour ou contre un amendement ou un prolongement de la loi Hadopi ?
La question n'est certainement pas d'amender la loi Hadopi, mais bien de la dépasser. En réalité, la loi Hadopi n'était rien d'autre qu'une gesticulation solitaire. Alors que les questions soulevées (création artistique, accès à la culture, rôle d'Internet…) étaient des sujets terriblement importants, l'entêtement de Nicolas Sarkozy, et surtout sa fâcheuse habitude à décider sans consulter (en l'occurrence, les artistes, les internautes, les consommateurs…), ont amené une réponse à la fois inefficace, archaïque, et on le voit, déjà largement dépassée par la technologie. Hadopi visait le Peer to peer, alors que les jeunes ont déjà délaissé Emule pour le streaming, le succès de Deezer le démontre au quotidien !
Le moyen d'agir ne peut pas être débattu avant même d'avoir réfléchi au modèle que l'on souhaite. La culture n'est plus consommée en spectateur : elle se commente, elle se vit, elle se partage. Les concerts font salle comble, les partages des clips sont facilités par l'essor des réseaux sociaux, l'explosion de la TNT offre une fenêtre plus large (et donc une augmentation des droits d'auteur !) aux clips musicaux. Internet n'est pas la guillotine de la musique, mais bien un catalyseur. Mais il faut, il est vrai, des règles, pour que la création puisse bénéficier de moyens suffisants.
C'est pourquoi je porte depuis longtemps, avec mes collègues députés Patrick Bloche, Sandrine Mazetier, Christian Paul, Aurélie Filipetti, l'idée d'une « contribution créative », communément appelée « licence globale » : une contribution de 2 euros par mois environ serait demandée à chaque foyer, en contrepartie d'un accès aux œuvres culturelles. Le financement de la création artistique sera également permis par une « Taxe Tobin numérique », alimentée par un pourcentage des bénéfices de moteurs de recherche. Je milite également pour que les grandes œuvres artistiques, notamment littéraires, puissent être disponibles en Open Source. Les pouvoirs publics ont leur rôle à jouer pour réguler cette numérisation, et ne pas laisser s'implanter un Monopole Google. Mais Internet ne peut pas être le seul axe de notre réflexion. C'est pourquoi je propose des Etats Généraux de la Culture.
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