Cet article date de plus de douze ans.

Le système de santé est sous oxygène mais cette crise-là n'intéresse pas

Les politiques en parlent peu. Les travaux d’experts sont rares. Pourtant, après avoir été longtemps cité en exemple, le système de santé français souffre. Sa prise en charge est indispensable, "urgente" même, disent la plupart des professionnels.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La santé (AFP - Alain Le Bot)

Les politiques en parlent peu. Les travaux d'experts sont rares. Pourtant, après avoir été longtemps cité en exemple, le système de santé français souffre. Sa prise en charge est indispensable, "urgente" même, disent la plupart des professionnels.

Il y a d'abord le récit des patients, qui révèlent des situations parfois ubuesques, puis le constat des praticiens qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme et un chiffre enfin : 18,4 milliards d'euros de déficit pour l'assurance maladie en 2011, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 (PLFSS).

Un bilan que résume en une phrase, le médecin et chercheur, Yves Charpak : "Il est temps de faire bouger le système de santé", une réorganisation d'autant plus nécessaire, que sauf retournement de conjoncture inespéré, le pouvoir d'achat des ménages ne devrait pas s'améliorer.

Reste que nécessité ne fait pas toujours loi et qu'en matière de santé, le peu d'appétence des politiques est patent. A jeu égal, somme toute, avec l'intérêt que lui portent les médias.

Le diagnostic est pourtant posé, la posologie établie.

La santé est en crise
Dépassements d'honoraires, déserts médicaux, manque de coordination entre l'hôpital et la médecine de ville, les médecins et les autres professionnels de santé, faiblesse de la chaîne de suivi entre les différentes institutions, refus de soins opposés à certains citoyens, renoncements d'autres à se soigner faute de moyens… stoppons-là le bilan de santé, avant la déprime.

Mais le risque, si l'on ne fait rien, c'est de glisser vers "une privatisation du système en transférant massivement des dépenses du régime de base aux complémentaires", alerte Christian Saout, Président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss).

Lui pointe trois problèmes majeurs : le dépassement d'honoraires, les déserts médicaux et le bouclage économique du système.

D'où les trois questions clés qu'il pose aux candidats à la présidentielle : "Etes-vous pour ou contre les dépassements d'honoraires ? Pour ou contre l'obligation d'installation des médecins ? Pour ou contre la sécurité sociale qui rembourse à 80% ?".

Et qui pour décider et piloter le système ?

Reportage de Marie-Pierre Samitier et Antoine Morel du 2 Avril 2011

Voir la video

"Une espèce d'ambiance ‘Mon cher confrère'"

Au deuxième rang des préoccupations des Français, selon une récente étude de TNS-Sofres, la santé n'émerge pourtant pas dans les débats. Pourquoi ?

Le sujet "vient dans l'agenda des politiques quand il y a une crise - crise du Médiator, des prothèses PIP, des maladies nosocomiales, etc. - quand ils sont pris en tenaille entre l'opinion et la presse", explique M. Saout. Mais ce n'est pas la seule raison.

" Sans parler de lobby, il y a une espèce d'ambiance ‘Mon cher confrère' qui passe par-dessus toute opposition possible. En France quand deux médecins se parlent, s'ils sont politiquement opposés, ils sont techniquement d'accord", poursuit-il.

Autre obstacle : l'endogamie hexagonale. "Pour faire de la santé publique, il faut être médecin contrairement à d'autres pays qui recourent à des sociologues, des ethnologues, des économistes", ajoute-t-il.

Last but no least, la santé "c'est pas sexy", une formule qui résume le peu d'appétence des journalistes pour cette thématique complexe, technique et souvent "jargonneuse".

Prescription
Plusieurs propositions ont pourtant été avancées pour réorganiser le système notamment par un collectif de médecins et d'experts dans le "Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire".

Citons : la suppression des dépassements d'honoraire, la revalorisation du secteur 1, c'est-à-dire des médecins ne pratiquant de dépassements d'honoraires, le développement de la prévention et des métiers de coordinateur de soins, la création d'un statut spécifique pour les aidants bénévoles, etc.

Autre piste suggérée par le président du Ciss : la mise en œuvre d'un service public de la médecine de proximité à l'instar du service public hospitalier.

Posologie

Christian Saout ne croit pas à la contrainte pour lutter contre les déserts médicaux. Il rappelle, à ce titre, la grève du syndicat des jeunes médecins généralistes en 1998, et ne voit pas ce qui justifierait "l'obligation d'installation faite aux jeunes diplômés plutôt qu'aux médecins plus chevronnés".

Il croit en revanche à une combinaison de mesures : la rémunération au forfait et/ou au nombre de patients et non à l'acte, le salariat, le non conventionnement des médecins qui s'installent dans des zones sur dotées, l'ouverture de cabinets collectifs, l'informatisation d'échanges de données etc.

Pas de remède miracle

Pour remettre sur pied le système, il plaide encore pour la redistribution des tâches médicales à d'autres professionnels de la santé que les médecins comme les pharmaciens. "On manque de temps médical. Or ce temps est utilisé un peu à tout faire alors qu'il devrait servir à deux choses essentielles : poser un diagnostic et faire une prescription".

"Il faut que les médecins soient utilisés à faire ce qui a une forte plus value et qu'ils soient payés à leur juste prix", insiste-t-il.

Le juste prix. Autre vaste sujet qui dépend de l'assurance maladie à travers la classification commune des actes médicaux (CCAM). "Il faut rouvrir des négociations sur la CCAM", car "il y a des actes dont les prix évoluent à la hausse comme à la baisse" du fait des progrès de la science.

Autant l'avouer, le chantier est immense. Christian Saout ne croit pas qu'une solution sortira de l'affrontement mais croit en l'intelligence collective et milite pour, qu'à l'instar de l'initiative de 1998, sous Lionel Jospin, soient lancées "Les deuxièmes états généraux de la santé" en 2012 et 2013.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.