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Législatives : trois questions qui planent sur le "troisième tour" de la présidentielle

Quel que soit le vainqueur du second tour de la présidentielle, le résultat des élections législatives de juin est difficile à prévoir. Recomposition politique, majorité difficile à former, cohabitation, mode de scrutin... Franceinfo vous aide à y voir plus clair.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Affichage des résultats du premier tour de la présidentielle, sur France 2, le 23 avril 2017.  (MAXPPP)

Quelle majorité parlementaire pour le ou la futur(e) président(e) ? L'affiche inédite du second tour de la présidentielle éclipse, pour le moment, les élections législatives, prévues les 11 et 18 juin. Mais quel que soit le vainqueur du scrutin du 7 mai, Marine Le Pen ou Emmanuel Macron, on peut s'attendre à une recomposition politique à l'Assemblée nationale. Les incertitudes et inconnues de ce "troisième tour" de la présidentielle s'annoncent nombreuses. Franceinfo vous aide à y voir plus clair.

Une majorité va-t-elle se dégager à l'Assemblée ?

La situation. Depuis l'adoption du quinquennat en 2000 et l'inversion des dates pour les élections législatives et présidentielle, les Français donnent une majorité au locataire de l'Elysée. Ce fut le cas après la réélection de Jacques Chirac en 2002, la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 et celle de François Hollande en 2012. Ces législatives, qui validaient le résultat de la présidentielle, fonctionnaient dans le cadre d'une alternance entre les grands partis représentants traditionnellement la droite (l'UMP puis Les Républicains) et la gauche (le PS et ses alliés). Avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la configuration est donc inédite. 

Si Emmanuel Macron gagne. Dès le soir du premier tour, le candidat d'En marche ! a souligné sa volonté de "construire une majorité de gouvernement et de transformation nouvelle." Hormis le MoDem de François Bayrou, Emmanuel Macron a exclu, jusqu'à présent, tout accord d'appareil. En marche ! promet de présenter des candidats dans les 577 circonscriptions, la moitié d'entre eux étant issus de la société civile. Et les ralliements s'annoncent compliqués : "Seuls les élus qui quitteront leur parti pourront se présenter sous l’étiquette d’En marche ! aux législatives", rappelle Le Monde (article abonnés). 

"Face aux 'nouveaux visages' d'En marche !, les députés sortants, identifiés par les électeurs, auront un certain avantage", estime Philippe Braud, politologue et enseignant-chercheur associé au Cevipof. Interrogé par franceinfo, ce spécialiste de sociologie politique souligne aussi que l'immense majorité des députés sortants qui ont pu soutenir Emmanuel Macron viennent de la gauche : "Ce qui risque de brouiller son message ni droite ni gauche."  Pour Philippe Braud, une majorité En marche ! risque d'être "très difficile" à trouver. Emmanuel Macron serait alors contraint à nouer des alliances avec d'autres forces politiques pour composer sa majorité et former ainsi un gouvernement de coalition. 

Si Marine Le Pen gagne. En cas de victoire de Marine Le Pen, tous les observateurs s'accordent sur l'"introuvable" majorité frontiste. Le mode de scrutin des élections législatives, majoritaire à deux tours, a toujours été défavorable au Front national. "Le FN a l'espoir de former un groupe [au moins 15 députés] pour la première fois depuis 1986. Ce n'est pas au niveau de leur poids électoral, mais cela représente un nombre conséquent de députés qui pourrait s'échelonner entre 20 et 50", explique à l'AFP Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de l'institut OpinionWay. Le FN devrait alors compter sur des ralliements à droite pour espérer former une majorité.

Une cohabitation est-elle inévitable ?

La situation. 1986, 1993, 1997... 2017 ? La France a déjà connu trois périodes où le président de la République n'appartenait pas à la même majorité que son Premier ministre. Et si une nouvelle cohabitation n'est pas "l'hyopthèse la plus probable, elle n'est pas du tout exclue", explique Philippe Braud. Car si l'élection présidentielle a balayé le traditionnel clivage droite-gauche, "on peut s'attendre à une certaine résistance au positionnement ni droite-ni gauche" lors des législatives, note le chercheur. 

Si Emmanuel Macron gagne. Dans l'hypothèse d'une victoire d'Emmanuel Macron, il pourrait faire les frais de la campagne des élus Républicains, qui espèrent prendre leur revanche. François Baroin a fait savoir qu'il était disponible pour prendre la tête d'un gouvernement de cohabitation. "A droite, c'est surtout François Fillon qui a perdu l'élection présidentielle, bien plus que son camp. C'est un échec personnel, en grande partie en raison des affaires qui ont plombé une candidature gagnante", selon Philippe Braud, qui estime que Les Républicains pourraient faire un "bon score" lors des législatives, "voire un score qui leur permette d'espérer une majorité parlementaire." De l'autre côté de l'échiquier politique, la gauche va tenter de se réaffirmer "autour de Jean-Luc Mélenchon et autour de ce qu'il reste du Parti socialiste", réactivant le "clivage traditionnel droite-gauche au détriment d'En marche !", précise le politologue. 

Si Marine Le Pen gagne. En cas d'élection de Marine Le Pen, Philippe Raynaud, professeur de philosophie politique à l'université Paris II Panthéon-Assas, prédit à franceinfo une "incertitude totale" pour les élections législatives. "Pour qu'elle remporte la présidentielle, il faudrait une abstention record. On peut donc imaginer une cohabitation directe issue des législatives en réaction à son élection", estime ce spécialiste de la Ve République, interrogé par franceinfo.

L'abstention va-t-elle compliquer encore plus le scrutin ?

La situation. Autre facteur d'incertitude pour ces élections législatives, le mode de scrutin, différent de la présidentielle. Les élections législatives se déroulent dans chaque circonscription en deux tours, sauf si l'un des candidats obtient, dès le premier tour, la majorité absolue des suffrages exprimés et 25% des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Les deux candidats arrivés en tête du premier tour sont automatiquement qualifiés pour le second tour. Mais des triangulaires, voire des quadrangulaires, sont possibles car les candidats réunissant au moins 12,5% des inscrits sont également qualifiés. La participation au scrutin devient donc un enjeu majeur. "Avec une participation relativement forte (70% de suffrages exprimés), il faut atteindre un seuil de 17,86%. Avec une participation faible (50%), cela se complique, le seuil passe à 25%", souligne Le Monde

Pour Emmanuel Macron. Pour Bruno Jeanbart, de l'institut OpinionWay, "tout dépendra de l'offre électorale." "S'il y a un candidat En marche !, un candidat de la France insoumise et un candidat PS dans chaque circonscription, vu la règle nécessitant 12,5% des inscrits pour se maintenir au second tour, la droite a des chances d'avoir des bases plus solides." 

Pour Marine Le Pen. Au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen a recueilli plus de 30% des voix dans 84 circonscriptions de métropole et d'outre-mer. Le FN y sera en position de force lors des législatives de juin. L'analyse des résultats de la candidate du Front national montre également que l'extrême droite pourrait se maintenir dans un nombre record de circonscriptions. Toutefois, il convient de rester très prudent avec ces données : le FN a toujours pâti de ce mode de scrutin, différent de celui de la présidentielle. D'autant que le taux de participation sera crucial pour le maintien des candidats FN lors des duels et des potentielles triangulaires et quadrangulaires.

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