Présidentielle 2027 : pourquoi Nicolas Sarkozy adoube Gérald Darmanin
C'est un livre qui ne pouvait pas mieux tomber pour Gérald Darmanin. Le Temps des combats, signé par Nicolas Sarkozy, sortira en librairie le 22 août (éditions Fayard), cinq jours avant la rentrée politique organisée par le ministre de l'Intérieur dans son fief de Tourcoing (Nord).
Au fil des pages, certains passages, que franceinfo a pu se procurer, sont très flatteurs pour le locataire de la place Beauvau, adoubé par l'ancien président. "Saura-t-il franchir une autre étape, voire l'étape ultime, celle qui mène à la présidence de la République ? Je le lui souhaite", écrit l'ex-chef de l'Etat, qui lui trouve "des qualités évidentes : une clarté dans l'expression, le sens et la compréhension des aspirations populaires et l'énergie sans laquelle aucun talent n'est utile". Un soutien qui s'explique par les liens affectifs et idéologiques entre les deux hommes de droite, mais qui n'est pas dénué d'arrière-pensées politiques.
Parce qu'ils sont amis
"J'ai beaucoup de reconnaissance pour lui, car il m'a accompagné à une époque où les choses étaient plus compliquées pour moi", écrit Nicolas Sarkozy dans la suite de ses mémoires de président. Il faut dire que les deux hommes se connaissent bien et depuis longtemps. A 30 ans, Gérald Darmanin est embauché dans un cabinet ministériel sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Puis, il devient son porte-parole en 2014, dans la course à la présidence de l'UMP (rebaptisé Les Républicains en 2015), avant de coordonner deux ans plus tard sa campagne pour la primaire de la droite en 2016.
Le natif de Paris et celui de Valenciennes (Nord) ne manquent pas une occasion d'afficher leur proximité. En juillet 2020, interrogé sur TF1 au sujet de l'accusation de viol visant Gérald Darmanin, Nicolas Sarkozy assure que "Gérald est un ami (...) J'ai pu compter sur sa fidélité et sa solidité. Je suis quelqu'un de fidèle, il peut compter sur mon amitié". Cinq mois plus tard, en décembre 2020, alors que l'ancien président est jugé dans le procès des écoutes téléphoniques, le ministre de l'Intérieur dit à franceinfo lui apporter "son soutien personnel". "Nicolas Sarkozy connaît bien Gérald Darmanin, il sait qu'il a des atouts et les capacités pour assumer de hautes responsabilités, autant en temps de tempêtes que de combats", vante Franck Louvrier, maire LR de La Baule, où l'ancien président viendra dédicacer son ouvrage le jour de sa sortie.
Parce que Gérald Darmanin marche dans les pas de Sarkozy
Des qualités d'autant plus appréciées que le plus jeune cultive la comparaison avec son aîné, en multipliant les déplacements et les déclarations choc. "Il fait partie de cette génération Sarkozy et il est l'un des meilleurs quadras de la droite et du centre", poursuit Franck Louvrier. Ce choix semble également cohérent du point de vue de leur carrière et de leur programme politique. "Ils ont des trajectoires ministérielles similaires, au Budget puis à l'Intérieur, et se retrouvent sur une ligne idéologique", rappelle le politologue Olivier Rouquan. "Il y a chez Gérald Darmanin la même volonté de placer le curseur très à droite, sur l'immigration, l'identité nationale, comme Nicolas Sarkozy l'a fait à l'époque de l'UMP", poursuit le chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa). "Tous deux veulent incarner une fibre populaire, ce que Gérald Darmanin tente de faire, par exemple, lorsqu'il tacle les bobos-libéraux" auprès du Figaro.
Une tentative d'endosser l'héritage sarkozyste qui ne fait pas l'unanimité. "Il essaie de se mettre dans les pas de Sarkozy, mais il n'a ni son charisme, ni son énergie", tacle un cadre LR. La comparaison entre les deux hommes a ses limites : le premier a été maire de la cossue commune de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), tandis que le second ne cesse de rappeler son ancrage dans un territoire populaire du Nord, à Tourcoing.
Parce qu'il veut bousculer le calendrier d'Emmanuel Macron, mais aussi de la droite
Cette phrase de soutien à Gérald Darmanin agite l'ancienne famille politique de Nicolas Sarkozy, bien moins enthousiaste au sujet des autres potentiels candidats à droite. L'ex-président du parti Laurent Wauquiez, qui a lui aussi des vues sur 2027, est invité à "se mettre en danger en sortant de sa zone de confort". Les autres LR qui ont, comme Gérald Darmanin, quitté la droite pour entrer au gouvernement, ne reçoivent pas non plus tant de lauriers. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, est sobrement salué pour "son sérieux et sa capacité de travail", tandis que Nicolas Sarkozy évoque "la compétence et la jovialité" de Jean Castex. "Peut-être que certains ont exprimé plus que d'autres le souhait d'aller vers cette destination", euphémise Franck Louvrier pour justifier que le ministre de l'Intérieur bénéficie de la préférence de Nicolas Sarkozy dans la course à l'Elysée. Ce soutien précoce à Gérald Darmanin s'inscrit donc dans la méthode de Nicolas Sarkozy, qui disait dès 2003, un an après le début du second mandat de Jacques Chirac, penser à la présidentielle "pas seulement" en se rasant.
Le livre cause aussi des remous au sein de la majorité, alors qu'Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027. "J'ai le sentiment que Sarkozy veut que Darmanin fasse à Macron ce que Macron a fait à Hollande, et ce que Sarkozy avait fait avant à Chirac", s'inquiète un cadre de Renaissance, qui voit dans ce soutien à Gérald Darmanin une manière pour l'ancien président de droite d'interférer dans la succession du chef de l'Etat. "Il a souvent mis en scène sa bonne entente avec le président. Or, cette prise de position peut avoir des effets", analyse Olivier Rouquan.
Parce qu'il veut rester dans le jeu politique
La plume de Nicolas Sarkozy est-elle aussi guidée par son envie de rester au centre du jeu politique ? "Il n'a jamais lâché l'affaire, ni pris ses distances avec la politique", croit notre cadre LR. "Il veut réunir la famille de droite, qui s'est divisée avec la victoire d'Emmanuel Macron, et pense peut-être qu'il peut jouer un rôle en faisant le lien entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés". En attendant une éventuelle réconciliation, la sortie de cet ouvrage permet surtout à Nicolas Sarkozy de se lancer dans une tournée hexagonale de dédicaces, dès mardi.
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