Recherche d'un nouveau Premier ministre : pourquoi le profil de Bernard Cazeneuve divise la gauche

Le nom de l'ancien Premier ministre de François Hollande est notamment rejeté par La France insoumise et les Ecologistes.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve lors de l'hommage à Robert Badinter à Paris, le 14 février 2024. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Sera-t-il désigné Premier ministre, près de huit ans après avoir occupé le même poste à la fin du quinquennat Hollande ? Bernard Cazeneuve, dont le nom revient avec insistance depuis plusieurs jours, sera reçu lundi 2 septembre à l'Elysée par Emmanuel Macron. Près de deux mois après le second tour des élections législatives, le chef de l'Etat est toujours à la recherche du prochain occupant de Matignon. L'ancien ministre de l'Intérieur fait figure de favori, alors que le camp macroniste a acté le fait que le prochain chef du gouvernement ne pourra pas venir de ses rangs. Mais le profil de l'ancien socialiste, qui a quitté le PS en 2022, alors opposé à l'alliance avec La France insoumise (LFI) au sein de la Nupes, est fraîchement accueilli à gauche.

Pour l'instant, le Parti socialiste, La France insoumise, les Ecologistes et le Parti communiste soutiennent officiellement la candidature de Lucie Castets à Matignon. La haute-fonctionnaire de 37 ans a pourtant été écartée par Emmanuel Macron lundi, au nom de la "stabilité institutionnelle" du pays. "Bernard Cazeneuve n'est soutenu par aucun des quatre partis de gauche du pays", a ainsi expliqué dimanche le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur BFMTV. "Nous censurerons tout gouvernement autre que celui de Lucie Castets", a-t-il martelé.

Une figure de l'ère Hollande honnie par les écologistes et LFI

Le profil de Bernard Cazeneuve, symbole de l'ère Hollande, hérisse une bonne partie de la gauche. La loi Cazeneuve de 2017 sur l'usage des armes à feu par les policiers, est ainsi accusée par certains d'avoir permis la mort du jeune Nahel à Nanterre l'année dernière.

Chez les écologistes, l'hostilité vient notamment du souvenir de la mort du militant Rémi Fraisse sur le barrage de Sivens (Tarn), lors d'affrontements avec les forces de l'ordre en 2014. Un épisode qu'a également rappelé Ségolène Royal sur RTL dimanche. "Bernard Cazeneuve était ministre de l'Intérieur et moi ministre de l'Ecologie. Nous avons été nombreux à lui dire que le barrage de Sivens n'était pas légal, que ça allait mal finir", a déclaré l'ancienne candidate à la présidentielle, dénonçant la "pensée rigide" de son ancien collègue.

Du côté de LFI, c'est la participation de Bernard Cazeneuve au gouvernement Hollande, dans lequel il a côtoyé Emmanuel Macron, qui est particulièrement rejetée. "Une des choses qui a fait le plus de mal à la gauche ces dernières années, c'est le quinquennat de François Hollande", a observé la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot sur franceinfo vendredi, jugeant qu'"on a essayé de faire croire aux gens que, qu'on soit de gauche ou de droite, de toute façon, c'était les mêmes politiques".

Les socialistes se montrent moins catégoriques que leurs collègues du Nouveau Front populaire (NFP) et ont affiché leurs divisions de jeudi à samedi, durant les trois jours des journées d'été de leur parti à Blois (Loir-et-Cher). Le patron du PS, Olivier Faure, y a ainsi rejeté l'éventualité d'une nomination de celui qui serait "l'obligé" d'Emmanuel Macron. "Si vous allez avec la droite, vous serez la droite", a-t-il lancé lors d'un meeting vendredi. Mais une partie des opposants internes au chef des socialistes, à la manœuvre pour se détacher de LFI, se montrent plus ouverts.

La division des socialistes pourrait mener à celle du NFP

"S'il y a un gouvernement avec une personnalité, de gauche par exemple, qui ferait une politique que nous souhaitons, (...) nous serons là, pour à chaque fois que ça va dans le bon sens, le voter", a ainsi assuré à l'AFP le sénateur socialiste Rachid Temal, proche de la maire de Vaux-en-Velin, Hélène Geoffroy, à la tête d'un courant minoritaire. "Bernard Cazeneuve peut même rallier des écolos", s'enthousiasmait un député européen socialiste auprès de France Télévisions samedi, louant "l'expérience" de l'intéressé.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, qui n'était pas favorable au NFP, a estimé qu'une arrivée de Bernard Cazeneuve à Matignon serait "crédible et sérieuse", dans une interview à Ouest-France samedi. "Avec lui, nous aurions une vraie cohabitation, et c'est ce qu'il faut, sauf si on veut s'asseoir sur le vote des Français", a-t-elle confié.

S'il était nommé, Bernard Cazeneuve aurait la tâche compliquée de trouver des soutiens dans une Assemblée nationale morcelée, où le soutien d'une partie du NFP, en tête avec 193 députés, mais loin de la majorité de 289, pourrait s'avérer crucial. Le ralliement d'une partie des députés socialistes pourrait l'aider, mais serait nocif pour l'union de la gauche. "La nomination de Bernard Cazeneuve ferait des dégâts dans les rangs parlementaires du PS et cela affaiblirait en effet mécaniquement" le NFP, jugeait Jean-Luc Mélenchon dans un post de blog jeudi. Vendredi, c'est l'ex-insoumise Clémentine Autain qui taclait depuis Blois "ceux qui auraient la bonne idée d'accepter d'être Premier ministre sans accord du NFP, et créeraient une crise [au PS]".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.