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Qui sont les Roms (3/5) ? "Prostitué, c'est le seul travail que je connais"

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des jeunes mineurs roumains prostitués en attente de clients sur le parvis de la gare du Nord à Paris, le 18 novembre 2013. (SALOME LEGRAND / FRANCETV INFO)

Francetv info publie une série de portraits de Roms en France. Dario, 15 ans, qui se prostitue Gare du Nord à Paris quand sa mère "croit qu'il fait la manche".

"Vas-y, je t'écoute." C'est à peu près tout ce qu'il sait dire en bon français. Dario, 15 ans, rejette sa grande mèche de cheveux noirs en suspension sur son front et affiche beaucoup d'aplomb pour un adolescent. Petit gringalet, il est arrivé de Roumanie il y a un an, avec ses parents, ses frères et ses sœurs. Tous les jours, il traîne devant la troisième porte de la partie ancienne de la Gare du Nord à Paris, en attendant les clients pour qui il se prostitue. Vingt à trente euros la passe, pratiquée, le plus souvent, dans les toilettes de la gare ou des fast-foods alentours.

"Il a commencé à me déshabiller, j'ai compris"

Alors qu'il avait suivi "des copains" sur le parvis quelques jours après son arrivée, un homme qui sortait du Quick lui a proposé de l'accompagner pour 50 euros. Dario l'a suivi "sans savoir ce qu'il allait se passer". "Quand on est arrivé chez lui, il m'a dit que j'étais beau, il a commencé à me déshabiller, j'ai compris", raconte l'adolescent, qui mâchonne ses écouteurs non-stop comme seul signe d'émotion. C'était sa première fois.  

Il irait bien à l'école mais, baladé avec sa famille d'hôtels de fortune en marchands de sommeil, il n'a pas "d'adresse stable". De toute façon, Dario "ne lâchera pas [ses] activités cachées".

Il n'a pas encore mué et affiche ce petit duvet disgracieux sur le haut de ses lèvres épaisses. Il n'a pas de mac mais quelques clients réguliers, qui le dépannent parfois d'une nuit d'hôtel ou d'un sandwich. En général, Dario a deux à trois clients par après-midi passés sur le parvis, entre 14 heures et 20 heures. L'heure de pointe correspond à celle des transports en commun.

Gare du Nord, on compte entre 30 et 50 jeunes prostitués roms que les associations essaient d'accompagner tant bien que mal. "Ce sont des jeunes qui sont dans l'impossibilité de travailler, car même au black, les employeurs sont très réticents vis-à-vis des mineurs", explique Olivier Peyroux, sociologue spécialiste des populations roms et de la traite des êtres humains. "Ils échouent Gare du Nord où, contrairement à ce qu'il paraît, ils sont au centre de l'attention. Ils commencent à gagner pas mal d'argent et alors qu'ils étaient dans une spirale où jusque-là ils trouvaient porte close, finalement ils trouvent une bande de copains", décrypte-t-il.  

"Même pas malheureux"

Emmitouflé dans un grand sweat à capuche, il ne quitte jamais sa sacoche en bandoulière dans laquelle se battent une photocopie de sa carte d'identité roumaine parcheminée, quelques billets de 10 euros et son smartphone tout neuf, qui sonne sans cesse. Une fois, c'est sa mère qui l'appelle : "Elle croit [qu'il] fait la manche"Une autre, un copain qui le cherche. Et celle d'après, il reçoit un texto de demande d'envoi de mandat cash en français qu'il nous demande de traduire.

Dario n'est "même pas malheureux", assure-t-il. Il aide souvent sa mère avec l'argent qu'il gagne et dépense essentiellement le reste en vêtements "meilleurs que ceux, moches et qui puent" que lui donne l'assistante sociale. L'adolescent a déjà été arrêté deux ou trois fois. Les policiers, qui "pensaient que [c'était] un voleur", l'ont contrôlé puis laissé tranquille. "La Gare du Nord est quadrillée par la police et pourtant personne n'intervient, les roms qui se prostituent sont mineurs, leurs clients sont passibles de prison", se désespère Olivier Peyroux. Dario se frotte régulièrement les yeux de ses mains aux ongles rongés jusqu'à la racine. Il sourit et retourne sur le parvis les mains enfoncées dans les poches. De toute façon, c'est "le seul travail [qu'il] connaît".

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