Roms : une polémique et des idées reçues
Manuel Valls a jugé que les Roms étaient majoritairement incapables de s'intégrer. Au-delà de la polémique et des surenchères, voici l'analyse de francetv info.
La France se retrouve pointée du doigt après les propos de son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, jugeant que les Roms étaient majoritairement incapables de s'intégrer et devaient être "reconduits" en Roumanie et en Bulgarie. La Commission européenne a une nouvelle fois menacé Paris de sanctions, mercredi 25 septembre, en rappelant que les Roms, citoyens européens, avaient le droit de circuler librement dans tous les Etats membres de l'Union européenne. Bruxelles avait déjà été contraint, il y a trois ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy, d'user de la menace contre la France pour stopper les expulsions.
Les Roms ont-ils "vocation à revenir en Bulgarie ou en Roumanie" comme le réclame Manuel Valls ? Combien de Roms vivent en France ? Au delà de la polémique et des surenchères, voici les réponses de francetv info.
Combien y a-t-il de Roms en France ?
Entre 15 000 et 20 000 Roms vivent en France. La libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne rend impossible la mesure du nombre de Roms entrant sur le territoire. Toutefois, les chiffres de l'aide au retour humanitaire donnent une indication. Généralisée en 2006 par Nicolas Sarkozy, cette aide offrait 150 euros par adulte, avant d'être doublée en 2007. "De 1 690 bénéficiaires en 2007, ce nombre passe à 8 200 en 2008 puis à plus de 10 000 chaque année à partir de 2009", indique Le Monde. Pour autant, le nombre de Roms présents sur le territoire français n'a pas sensiblement évolué : la libre circulation en Europe permet aisément de repasser la frontière dans l'autre sens.
Fin 2012, Manuel Valls a sensiblement baissé le montant de cette aide, désormais fixée à 50 euros par personne. Il est impossible actuellement d'évaluer l'impact de cette évolution.
Une "vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie" ?
"Les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie", a lancé le ministre de l'Intérieur mardi sur France Inter. Amnesty International estime que 10 à 12 millions de Roms vivent en Europe, dont la moitié vit dans un pays membre de l'Union européenne. Si les Roms sont pour la plupart des migrants venus de Roumanie et de Bulgarie, on en compte aussi 750 000 en Hongrie, ils sont 490 000 en Slovaquie, 200 000 en République tchèque, 150 000 en Italie...
Autre affirmation de Manuel Valls : "C'est illusoire de penser qu'on règlera le problème des populations Roms à travers uniquement l'insertion." Une déclaration dénoncée par Amnesty International : "Les propos de certains membres du gouvernement (...) perpétuent les clichés et attisent les réactions d'animosité et de rejet." "Une majorité souhaitent avoir un logement, du travail, des enfants scolarisés et une offre de soin", explique Jean-Pierre Corty, directeur des missions de Médecins du Monde. Il dénonce des "arguments fantasmés" des acteurs politiques, qui "rendent les Roms bouc émissaires de questions sociales plus larges".
Valls ou Sarkozy, qui expulse le plus ?
"Le constat est aussi accablant, voire pire que ce que nous avions constaté en 2012." La conclusion d'Amnesty International n'est pas tendre avec la gestion par le gouvernement du sort des Roms. Un an après la circulaire d'août 2012 (qui prévoit un diagnostic social avant toute expulsion de terrains occupés illégalement, et censée permettre de rompre avec les évacuations à répétition de campements et bidonvilles), "force est de constater qu'elle n'a pas empêché leur poursuite".
Les populations roms migrantes "continuent à être victimes d'expulsions forcées", en violation du droit international en matière de droits de l'homme, souligne l'ONG dans un rapport rendu public mercredi. Le nombre d'expulsions est même "en augmentation et des records ont été atteints pour l'année 2012 et l'été 2013", selon l'organisation humanitaire, citant des chiffres de la Ligue des droits de l'homme et l'European Roma Rights Center. "En 2012, 11 982 migrants roms ont été chassés des squats et bidonvilles", et ils étaient 10 174 au premier semestre 2013, soit "un nombre jamais atteint depuis le début des recensements en 2010", souligne Amnesty.
Se basant sur des études de terrain à Lille, Lyon et en Ile-de-France, Amnesty constate que "le cycle infernal d'expulsions forcées continue, le plus souvent sans que des logements alternatifs soient proposés. Les Roms sont rendus sans abri, contraints à se réinstaller dans d'autres campements de fortune et à recommencer à zéro. Cela entraîne une dégradation de leurs conditions de vie, une rupture de scolarisation et de suivi des soins", précise aussi Marion Cadier, chercheuse à Amnesty.
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