Manuel Valls à La Rochelle : un discours consensuel pour calmer la fronde
En n'abordant pas les sujets qui fâchent, le Premier ministre a réussi à contenir les huées qui ont émaillé le début de son discours.
Une salle coupée en deux. Quand Manuel Valls prend la parole, dimanche 31 août, en clôture de l'université d'été du PS à La Rochelle, on applaudit à tout rompre devant, et on siffle copieusement au fond. Mais le Premier ministre, militant socialiste de longue date, réussit progressivement à calmer les frondeurs.
Valls était attendu de pied ferme après la semaine de folie qu'il a fait vivre à ses camarades. Avant que le Premier ministre ne prenne la parole, la présidente des Jeunes socialistes, Laura Slimani, s'est chargée de lui rappeler : "Cher Manuel, on ne peut pas se réjouir de la semaine qui s'achève", lance-t-elle au micro, très applaudie, avant d'asséner que "la politique menée ne correspond pas à ce pour quoi nous avons été élus".
"Quel message envoyez-vous aux Français ?"
Au début de son discours, Manuel Valls prend à partie la salle, et plus largement le PS : "Je comprends que beaucoup de nos compatriotes doutent, s'interrogent, formulent des propositions. Qu'au sein d'un parti, il y ait des interrogations, des débats, c'est nomal, c'est sain. Mais attention au choix des mots, à la manière dont nous nous adressons les uns aux autres. Respectons-nous !".
Pas suffisant pour calmer les huées à l'évocation du pacte de responsabilité. "Quand il y a des sifflets sur l'idée de renforcer l'entreprise et l'emploi, quel message envoyez-vous aux Français ?", lance alors le Premier ministre, le visage en sueur, en s'adressant frontalement aux contestataires.
Pourtant, Manuel Valls trouve le moyen de retourner la salle. D'abord en martelant qu'"il n'y aura pas de remise en cause des 35 heures". Puis en infléchissant son discours économique : "Il nous faut adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique au niveau de la croissance." Une phrase que n'aurait pas reniée Arnaud Montebourg.
Valls a privilégié les sujets consensuels
Surtout, Manuel Valls s'attarde sur des sujets qui parlent aux socialistes, à tous les socialistes : la nation, la citoyenneté, la laïcité, les inégalités. "Dans la République, il n'y a pas 'deux poids deux mesures', pas de citoyens de seconde zone !" Au gouvernement non plus, suggère-t-il grâce à un habile procédé rhétorique.
"J'ai entendu, depuis quelques jours, de nombreuses réactions sur un jeune ministre qui venait d'être nommé, avant même qu'il n'ait eu le temps de faire ses preuves." A cet instant, la salle comprend qu'il s'agit du nouveau locataire de Bercy, Emmanuel Macron, et un grondement commence à se faire entendre. Manuel Valls déroule : "J'aurais aimé qu'à l'unisson nous nous félicitions davantage que la République ait su reconnaître les compétences, le travail, l'engagement, notamment en confiant pour la première fois à une femme, Najat Vallaud-Belkacem, cette lourde mission d'être à la tête du ministère de l'Education nationale." Ou comment éviter de faire siffler Macron en suscitant les applaudissements pour Vallaud-Belkacem. "Il est malin !", ironise Maxime, 23 ans et membre du MJS.
Des militants satisfaits, mais pas dupes
Grâce à son talent, Manuel Valls a réussi à faire bonne figure devant un public pas acquis. "On ressort plus uni que quand on est entrés", assure Raphaël, un sympathisant d'une vingtaine d'années. "On a eu le discours d'un Premier ministre rassembleur. On a peut-être trouvé le grand monsieur qui nous manquait", réagit même Romano, 39 ans. Mais l'accueil plutôt positif accordé à son discours ne vaut pas blanc-seing pour le Premier ministre. Ceux qui attendaient des réponses sur les polémiques du moment (encadrement des loyers, seuils sociaux dans les entreprises...) sont restés sur leur fin. "La loi Alur, il n'en a pas parlé, il dissimule ce qui ne va pas", critique-t-on dans les rangs des Jeunes socialistes.
"Je suis contente qu'il ait tenu sur les 35 heures mais j'aurais voulu qu'il nous annonce que la loi Alur ne soit pas détricotée", abonde Bernadette, 68 ans, militante de l'aile gauche du parti. Un autre militant résume bien la tonalité de l'état d'esprit à la gauche du parti : "Il ne faut pas confondre respect et soutien."
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