Manifestation d'ultradroite : quatre questions sur le Comité du 9 mai, autorisé à défiler dans les rues de Paris ce week-end
Les critiques se multiplient sur les réseaux sociaux, lundi 8 mai, deux jours après la manifestation rassemblant, samedi, plusieurs centaines de militants d'ultradroite dans les rues de Paris. Sur Twitter, le sénateur socialiste de Paris David Assouline juge ainsi "inadmissible d'avoir laissé 500 néo-nazis et fascistes parader au cœur de Paris". De son côté, Ian Brossat, adjoint au maire de Paris, chargé du logement, et porte-parole du Parti communiste français ironise : "Les casseroles sont manifestement plus dangereuses que les bruits de bottes..." "Ce n'est pas parce qu’on n’interdit pas une manifestation qu'on la cautionne", a répondu le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, invité de franceinfo.
1 Que s'est-il passé ?
Environ 550 personnes ont défilé samedi 6 mai dans le 6e arrondissement de Paris, rassemblées derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire "Sébastien présent". Les manifestants, des jeunes hommes pour la plupart, étaient habillés en noir, souvent cagoulés ou masqués et gantés de noir. Ils portaient des drapeaux noirs marqués de symboles utilisés par l'extrême-droite comme la croix celtique ou le "sonnenrad" (soleil noir), composé de trois svastikas enlacées. Les manifestants ont refusé de répondre aux questions des journalistes de l'AFP présents.
Le cortège est resté silencieux, sauf pour scander, à la fin du rassemblement : "Sébastien présent" et "Europe jeunesse révolution", un des slogans du GUD (Groupe union défense), une organisation étudiante française d'extrême droite. La marche a commencé au niveau du métro Port-Royal pour se terminer rue des Chartreux où les militants ont déposé une gerbe.
2 Pour quelle raison ce rassemblement était-il organisé ?
Ce défilé a en fait lieu tous les ans autour du 9 mai, en mémoire de Sébastien Deyzieu, un jeune militant de l’Œuvre française, un mouvement d'extrême droite ultranationaliste dissout en 2013. Sébastien Deyzieu est mort en 1994 à l'âge de 22 ans après avoir glissé d'un toit au 4, rue des Chartreux dans le 6e arrondissement de Paris. Il tentait d'échapper à la police alors qu'il participait à une manifestation "contre l'impérialisme américain" qui avait été interdite par la préfecture.
3Qui est derrière cette manifestation ?
C'est le Comité du 9 mai (C9M), un collectif d'extrême-droite, qui organise la marche en mémoire de Sébastien Deyzieux tous les ans depuis 1995. Ce collectif a été créé quelques jours après la mort du jeune homme par des membres du GUD, des Jeunesses nationalistes révolutionnaires et du Front national de la jeunesse (aujourd'hui Rassemblement national de la jeunesse). L'événement était relayé depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, sur des comptes de l'extrême droite radicale, et sur des affiches placardées dans plusieurs villes de France.
Sur les photos et vidéos de la marche, on distingue entre autres les logos de plusieurs groupes d'ultradroite comme Novelum Carcassonne, le GUD, Jeunesse rebelle, Clermont non conforme, An Tour-tan (le phare en breton) ou NFP. Dans un post publié sur la messagerie Telegram, le Comité du 9 mai a revendiqué la présence de "700 militants nationalistes" dont des "camarades bulgares, italiens et hollandais venus commémorer les martyrs du nationalisme".
Après la manifestation, le rassemblement s'est conclu par un concert de "rock aryen" organisé à Saint-Cyr-l'Ecole, dans une salle qui porte le nom de Simone Veil. Un concert qui a réuni trois groupes : deux français, Ouest Cokins et Fraction, et un italien, Katastrof. Sur l'affiche du concert diffusée sur les réseaux sociaux figurent les logos du C9M et du GUD.
4Pourquoi la préfecture de police de Paris a-t-elle autorisé cette manifestation ?
Les vives critiques, émises notamment sur Twitter, ont amené la préfecture de police de Paris à publier, lundi 8 mai, un communiqué pour justifier sa décision. "Dans la mesure où cette manifestation n'avait occasionné, les années précédentes, aucun débordement ou trouble à l'ordre public, le préfet de police n'était pas fondé à prendre un arrêté d'interdiction à son encontre", argue-t-elle notamment.
La préfecture estime également que la manifestation "a fait l'objet d'un encadrement adapté par les forces de l'ordre, pour éviter tout risque de débordement ou d'affrontements." Elle promet enfin que "tout fait délictuel constaté lors de cette manifestation ou que l'exploitation postérieure des images permettrait d'identifier fera l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire". Avant le défilé, la préfecture avait pris un arrêté pour autoriser l'enregistrement d'images du cortège par drone.
Invité de franceinfo lundi 8 mai, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez "assume évidemment totalement" la décision de ne pas interdire ce cortège. "Pour interdire une manifestation déclarée, il faut que je sois en capacité de justifier qu'elle risque d'entraîner des troubles à l'ordre public", explique-t-il avant de rappeler que "les précédentes marches similaires s'étaient déroulées sans incident." Laurent Nuñez assure cependant qu'il a déjà "saisi l'autorité judiciaire pour les individus qui avaient le visage dissimulé", ce qui est interdit par la loi.
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