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Brushing, vacheries et politique : l’indomptable Bernadette Chirac

L'épouse de Jacques Chirac n'a pas sa langue dans sa poche. Alain Juppé vient d'en faire les frais. Elle entend bien montrer qu'elle compte. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Bernadette Chirac, conseillère générale de Corrèze, intervient lors d'une conférence de l'UDI, le 4 mars 2014 à l'Assemblée nationale.  (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"Juppé ? (...) Il n'attire pas les gens, les amis, les électeurs éventuels. Il est très très froid." Et bim ! Interrogée sur Europe 1, Bernadette Chirac ne prend pas de pincettes pour parler du maire de Bordeaux, candidat déclaré à la primaire de l'UMP en 2016.Le message est clair : elle roule pour Nicolas Sarkozy et tant pis si son mari soutient son ex-Premier ministre pour 2017.

"On a quand même le droit de préférer quelqu’un à quelqu’un d’autre", s'est-elle défendu, jeudi 2 octobre sur Radio classique, réitérant ses remarques acides. Bref, Bernadette Chirac trace sa route, envers et contre tous. Mais qui se cache vraiment derrière ces grosses lunettes fumées ?

Sac à main et Corrèze en bandoulière

Pas besoin de grande école pour compter en politique. Dans les années 50, Bernadette Chirac, qui vient d'abandonner Sciences-Po, prend des cours de dactylographie pour rédiger les fiches de révision de son tout nouveau mari afin qu'il décroche l'ENA. La catho-tradi Bernadette Chodron de Courcel prend son rôle de "femme de" très au sérieux. Sa "pente naturelle" l'aurait plutôt poussée à s'occuper de son mari et ses enfants, avoue la bourgeoise à l'éternel sac à main raillé par les Guignols, dans le livre d'entretiens Conversation. Mais "la position de [son] mari", comme elle l'explique à l'Express, lui bâtit un tout autre destin.

En 1979, elle est élue conseillère générale de la Corrèze. Un poste qu'elle occupe sans discontinuer depuis trente-cinq ans et qui permet de faire rayonner le département. Plutôt avec brio : qui d'autre peut se vanter d'avoir reçu, en grande pompe et sur ses terres, Hillary Clinton herself ? La première dame des Etats-Unis aurait été intriguée par la carrière politique de son homologue française, aime raconter Bernadette Chirac. Invitée en 1998 à un "G2 des First ladies", Hillary Clinton en repart incollable sur les autoroutes corréziennes, la dentelle et la céramique. Libération ne s'en remet pas, les habitants non plus.

Hillary Clinton rend visite à Bernadette Chirac, sur ses terres, dans le petit village de Corrèze, le 12 mai 1998. (PATRICK BERNARD / AFP)

Celle que son mari surnomme "la tortue" ne recule devant rien. "Je suis très déterminée, je suis tenace, ça a des avantages", explique-t-elle en 2011 à l'AFP. De l'avis de tous, Bernadette Chirac, longtemps dans l'ombre de son mari et cantonnée aux opérations pièces jaunes, a dû se battre pour se faire une place au soleil.

Alors quand on lui annonce, fin 2013, la suppression prochaine de son canton, en raison de la réforme territoriale, la dame de 81 ans se voit déjà un pied dans la tombe, selon L'Express. "S'ils font cela, on m'enterre dans huit jours", confie-t-elle, non sans un certain sens de la dramaturgie. Puis, plus directe : "Ce qui me fait de la peine, c'est qu'on me renvoie avec un bon coup de pied en me disant : 'Tu es trop vieille, on n'a plus besoin de toi'", égratignant au passage "les bovins" de l'UMP qui ne la soutiennent pas.

La "reine-mère" des vacheries

Pendant de nombreuses années, sa fille Claude a évité que sa mère rencontre les micros. Mais tout a changé depuis que Jacques Chirac n'est plus au pouvoir. "Elle est libre. Tellement, qu'elle tient les propos qu'elle souhaite tenir", admet Sophie Dessus, députée PS de la Corrèze, interrogée par BFMTV.

Les vacheries se succèdent. En février, Valérie Pécresse, qui l'accuse de "prendre ses rêves pour des réalités" concernant le retour de Sarkozy, se fait recevoir. "Pfff, vous savez, celle-là... Ce qu'elle peut dire ou ne pas dire m'indiffère totalement", rétorque Bernadette Chirac, invitée à réagir sur RTLRares sont ceux qui, à droite comme à gauche, ont échappé aux piques de la "reine-mère", dont le caractère semble aussi explosif que son brushing. Certains paient plus que d'autres. Dominique de Villepin, qu'elle exècre, par exemple. "Vous connaissez Néron ?", lance-t-elle face à la caméra d'"Un jour, un destin" sur France 2, en évoquant la dissolution de 1997 à laquelle elle était opposée.

Un mariage et quelques "coups de canne"

Mais c'est bien Jacques Chirac qui détient la palme du meilleur souffre-douleur. Une façon pour "Bernie" de faire payer son cabotin de mari ? "Il avait un succès formidable. Bel homme, et puis très enjôleur, très gai. Alors les filles, ça galopait", se souvient-elle dans Conversation. Mais chez les de Courcel, on ne divorce pas. "Les conventions faisaient que, devant ce genre de situation, on offrait une façade et on tenait le coup." Non sans garder une certaine rancœur, comme le montre cette scène mythique de l'ancien président pris en flagrant délit de drague.

Depuis l'AVC de Jacques Chirac en 2005, Bernadette Chirac distille les anecdotes savoureuses, sous prétexte de donner des nouvelles de l'ex-président. "Quand il n'est pas content de moi (...) comme il a une canne pour s'aider à marcher, eh ben il me donne un petit coup de canne", assure-t-elle en septembre à un journaliste d'Europe 1 médusé. De l'aveu même de l'intéressée, les deux époux ne se parlent "plus tellement" : "Vous savez, il est en retraite. Moi non. Je suis élue de Corrèze", clame-t-elle selon France info.

Ses tacles se comptent par dizaines, mais celui rapporté par Le Point en dit long sur leur relation. La scène a lieu en 2012, dans un restaurant luxueux de Taroudant, au Maroc. "Elisabeth et Robert Badinter ont mieux à faire ce soir que de dîner avec vous... Vous n'êtes que le bruissement des ailes d'un insecte", assène Bernadette à son mari. "Elle lui parle sans ménagement. Ce n'est pas de la violence physique mais pas loin", juge un proche dans Le Monde.

Bernadette Chirac s'affiche aux côtés des Nicolas Sarkozy, le 10 mars 2014, lors de l'inauguration de la Fondation Claude Pomidou à Nice (Alpes-Maritimes). (LIONEL CIRONNEAU / AP / SIPA)

Sa dernière revanche semble politique. Depuis 2007, Bernadette Chirac affiche un soutien indéfectible à Nicolas Sarkozy, son "préféré", honni par Jacques Chirac. En 2012, elle se vante de ne pas avoir respecté la procuration de son mari, raconte Le Monde. "Dans ma famille, ils ont tous voté Hollande, sauf Jacques. Mais il ne le sait pas." Mieux vaut donc prendre ses critiques avec philosophie, comme le résume Alain Juppé, protégé de Jacques Chirac : "Je ne veux pas m'immiscer dans les problèmes matrimoniaux de quelque couple que ce soit."

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