Pourquoi la Chine et le Japon se disputent un minuscule archipel
Les deux pays revendiquent la propriété de 6,7km2 d'îles inoccupées, appelées Senkaku en japonais et Diaoyu en chinois. FTVi vous explique les enjeux du conflit.
ASIE - C'est une guerre des nerfs qui se déroule en mer de Chine, à coup de planté de drapeau et de manifestations. La Chine et le Japon se disputent depuis les années 60 un petit archipel proche de Taïwan, mais la tension est montée depuis mercredi 15 août. Senkaku pour les Japonais, Diaoyu pour les Chinois, l'archipel ne mesure pas plus de 6,7 km2, mais cristallise le conflit entre les deux géants asiatiques. FTVi vous explique les enjeux de cette lutte territoriale.
Que s'est-il passé ces derniers jours ?
Nationalistes japonais et chinois s'affrontent pour affirmer leur souveraineté sur l'archipel. C'est la Chine qui a ouvert le bal, le 15 août, avec 14 militants partis planter un drapeau sur une des îles, à une date symbolique : l'anniversaire de la capitulation du Japon en 1945. Vendredi 17, le Japon les expulse, avant de riposter.
Une flottille d'une vingtaine de bateaux japonais avec environ 150 personnes arrive dimanche à l'aube devant les Senkakun avec à son bord une dizaine de nationalistes prêts à débarquer sur Uotsurijima, la principale île, pour y hisser le drapeau japonais.
Cette expédition a immédiatement provoqué des manifestations antijaponaises dans au moins huit villes chinoises. Plus de cent personnes se sont notamment rassemblées près du consulat japonais de Guangzhou (sud), en chantant "Japon, va-t-en des îles de Diaoyu", a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle.
A qui appartient vraiment l'archipel ?
L'archipel de Senkaku/Diaoyu est constitué de cinq petites îles et trois rochers. Il appartient depuis les années 70 à la famille Kurihara, qui loue trois îles au Japon pour un peu plus de 240 000 euros par an, selon le Bangkok Post (article en anglais). Une quatrième île est louée au ministère de la Défense japonais pour un montant tenu secret.
Mais ces îles risquent de coûter cher en droits de successions aux héritiers Kurihara. C'est pourquoi la famille souhaite tout vendre. Cela tombe bien, le gouverneur de Tokyo est intéressé. Shintaro Ishihara a fait une offre début 2012 et lancé une souscription publique qui aurait déjà rapporté 1,37 milliard de yens (14 millions d'euros), raconte Le Figaro. Il a ainsi pris de court les gouvernement japonais et chinois, qui revendiquent tous deux la propriété des îles.
Que dit le Japon ?
Tokyo affirme que le gouvernement japonais a commencé à explorer les îles Senkaku en 1885, n'y trouvant personne et "aucune trace d'une ancienne présence chinoise". Le gouvernement a incorporé les îles au territoire nippon dix ans plus tard. Les autorités soulignent qu'elles ne faisaient pas partie des territoires auxquels le Japon a renoncé par le traité de paix de San Francisco de 1951, dans lequel il a notamment accepté de perdre Taïwan.
D'après le Japon, la Chine n'a pas protesté contre l'exclusion des îles Senkaku du traité à l'époque. Tokyo remarque que la Chine et Taïwan n'ont revendiqué la souveraineté sur ces îles qu'à partir de 1971, peu après la découverte de possibles ressources énergétiques dans les fonds marins environnants
Que dit la Chine ?
La Chine souligne que de premières références aux îles Diaoyu apparaissent dans des cartes et un livre datant du règne de l'empereur Yong Le (1403-1424) de la dynastie Ming. D'après Pékin, une carte japonaise publiée entre 1783 et 1785 prouve l'appartenance de ces îles à la Chine. La Chine ajoute que sa propriété sur ces territoires n'a jamais fait l'objet de polémique jusqu'à ce qu'elles furent cédées au Japon, avec l'île de Taïwan, à l'issue de la victoire nippone lors de la guerre sino-japonaise de 1894-1895.
Selon la Chine, les îles sont restées par erreur sous contrôle japonais après la fin de la Seconde guerre mondiale, lorsque Tokyo a renoncé à sa souveraineté sur Taïwan et sur les îles Pescadores à l'ouest de Taïwan.
Que dit Taïwan ?
Le gouvernement de Taïwan revendique aussi la souveraineté sur les îles Diaoyu, situées à 200 km de ses côtes. "Les îles Diaoyu appartiennent à la République de Chine (nom officiel de Taïwan), d'un point de vue historique, géographique et de droit international. La propriété territoriale de la République de Chine est irréfutable", affirme le ministère des Affaires étrangères.
Qu'ont-elles de si précieux, ces îles ?
Le trésor de ces cinq cailloux, dont la superficie totale ne dépasse pas 6,7 km2, se trouve sous la mer. En plus de ses eaux poissonneuses, le sous-sol pourrait cacher des gisements d'hydrocarbures (pétrole et gaz).
Ces îles ont par ailleurs une véritable valeur stratégique indéniable car elles sont autant d'avant-postes possibles face à l'"expansionnisme" maritime chinois qui inquiète toute la région. "Senkaku, c'est une fenêtre sur le continent. Si le Japon perd ces îles, il perd une part importante d'une ligne de défense", analyse Hideshi Takesada, un spécialiste japonais des affaires asiatiques à l'université Yonsei en Corée du Sud.
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