Pourquoi le Gard est-il un des champions du vote FN ?
Dans ce département, Marine Le Pen est arrivée en tête du premier tour de la présidentielle avec 25,51% des voix. Bien implanté depuis 1984, le Front national y progresse dans les zones périurbaines et rurales.
Alors que la région Languedoc-Roussillon a donné l'avantage à François Hollande avec 26,34% des voix, un département se distingue : le Gard, seule collectivité où Marine Le Pen arrive en tête. La candidate frontiste y recueille 25,51% des voix, contre 24,86% pour Nicolas Sarkozy et 24,11% pour François Hollande.
Des scores toujours élevés
Le score du Front national peut impressionner, pourtant, cela n'a rien d'une nouveauté. En 2002, Jean-Marie Le Pen était aussi arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, avec un score légèrement inférieur en proportion (24,85%). Toutefois, la différence est notable en nombre de votants : 79 743 électeurs frontistes en 2002, contre 106 646 en 2012.
Entre temps, en 2007, Nicolas Sarkozy avait récupéré une partie des électeurs FN du département. Il était arrivé largement en tête, tandis que Le Pen était relégué en quatrième position, comme le montre notre infographie ci-dessous.
Mais l'érosion des voix fut de courte durée. Lors des régionales de 2010, France Jamet (FN) y impose une triangulaire et en 2011, des candidats frontistes se qualifient pour le second tour dans 11 cantons du Gard sur les 23 renouvelables, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Jérôme Fourquet, de l'institut de sondage Ifop, soulignait alors pour Le Monde (article abonnés) : "On retrouve dans ces régions un clivage historique, qui s'était estompé car en 2007 Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix du Front national : le FN fait de meilleurs scores sur la côte que dans les terres, vers l'ouest ou dans la montagne."
Une progression en zone rurale
En 2012, ce clivage semble moins flagrant : le FN ne fait pas que des bons scores dans les villes du littoral, mais progresse dans l'ensemble du département. Certains cantons traditionnellement marqués à gauche ont même donné leur préférence à Marine Le Pen. Le président du conseil général, Damien Alary (PS), s'en étonne auprès du Midi Libre : "Quand je regarde les résultats dans le Gard, je suis un peu surpris. Marine Le Pen arrive en tête y compris dans des cantons ruraux, même dans les Cévennes."
"Le centre de gravité du vote s'est plutôt déplacé dans les zones périurbaines, voire rurales", note Joël Gombin, doctorant en sciences politiques, auteur d'une thèse sur le vote FN en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Le rejet du "migrant interne"
Alors, pourquoi un électeur du Gard sur quatre vote-t-il Front national ? "Le Gard fait partie du sud méditerranéen, qui, depuis 1984, a toujours accordé de bons scores au FN", constate Joël Gombin. Le département a ainsi connu un maire frontiste de 1989 à 1992, à Saint-Gilles (voir la vidéo de l'INA sur l'élection de Charles de Chambrun).
A l'origine, le vote FN était motivé par les "souvenirs liés à la guerre d'Algérie et à l'impact sur l'économie régionale de la perte de l'empire colonial", explique le chercheur, qui ne se dit toutefois "pas persuadé que cela joue fondamentalement aujourd'hui".
Désormais, pour lui, le vote FN est alimenté par la "contestation et le rejet de la figure de l'autre", qui n'est pas forcément l'immigré, mais le "migrant interne", de Paris ou d'ailleurs, qui s'installe dans la région pour profiter de son climat et provoque des tensions sur les marchés du travail et du logement. Joël Gombin souligne encore que le "niveau des inégalités y est très marqué".
Quelques élus déjà associés à la gestion
Les habitants du Gard voteraient en outre plus facilement Front national en raison d'une forme de "légitimation" institutionnelle. En 1998, le président de région Languedoc-Roussillon, Jacques Blanc, avait fait alliance avec le Front national pour conserver la région, alors qu'il disposait de moins d'élus que le PS.
"Les élus frontistes sont dans les institutions, ils gèrent des mairies. Plus que dans d'autres régions, il y a eu une légitimation politique du FN, en particulier par la droite, qui a rendu ce vote plus acceptable qu'ailleurs", avance Joël Gombin.
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