Prothèses PIP : où sont les responsabilités ?
Le dossier des prothèses mammaires PIP donne lieu à une avalanche de plaintes visant les différents acteurs de l'affaire. Tour d'horizon des protagonistes qui pourraient être mis en cause.
Le dossier des prothèses mammaires PIP donne lieu à une avalanche de plaintes visant les différents acteurs de l'affaire. Fondateurs et dirigeants de l'entreprises PIP, chirurgiens, fournisseurs, distributeurs ou contrôleur qualité, chacun cherche depuis à se prémunir d'une éventuelle responsabilité civile. Tour d'horizon des protagonistes qui pourraient être mis en cause.
• La société PIP (Poly Implant Prothèse)
C'est le principal acteur au cœur du scandale. Le fondateur de la société, Jean-Claude Mas, dont Le Monde a fait le portrait, est visé en France par deux enquêtes judiciaires "pour tromperie aggravée" et "homicide involontaire". Il a été entendu à deux reprises par les enquêteurs, ainsi que par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Néanmoins, il n'est, pour l'heure, pas mis en examen dans cette affaire et ne fait l'objet d'aucun contrôle judiciaire. Mais selon le ministre de la Santé, Xavier Bertrand qui s'exprimait sur France 2, "il est évident que ce monsieur devra répondre de ces actes".
Nicolas Lucciardi, le fils de Jean-Claude Mas, admet qu'il y a eu une fraude lorsque PIP n'a pas déclaré le type de gel utilisé dans la fabrication de prothèses. "Mais il n'est absolument pas prouvé qu'elles soient pour autant dangereuses pour la santé", explique-t-il dans Le Parisien (article payant).
• Les chirurgiens plasticiens
Plusieurs ont déjà été assignés en justice pour "manquement à leur devoir d'information". Nicolas Gombault, directeur général du Sou Médical, qui assure près de 200 praticiens en France sur les 900 que compte la profession, recense "une vingtaine de dossiers".
Selon un avocat marseillais de porteuses de prothèses, Me Laurent Gaudon, qui compte attaquer certains praticiens, ceux-ci auraient dû soumettre à leurs patientes un comparatif des différents implants : "Ils ne pouvaient ignorer que ceux de PIP étaient fragiles." Reste à démontrer que "si la patiente avait été informée des risques, elle aurait choisi les prothèses d'un autre fabricant" malgré la différence de prix, nuance Me Gombault.
En 2008, l'entreprise Poly Implant Prothèse a déjà été condamnée pour des prothèses défectueuses posées entre 1996 et 2000. Il ne s'agissait pas alors de la non conformité du gel, mais de la fragilité de la membrane, rappelle Laurent Gaudon, interrogé par le Nouvel Observateur. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné la société PIP, mais aussi le chirurgien esthétique pour manquement à son devoir d’information. La Cour d’appel a mis sur le dos du chirurgien 90 % du montant total des indemnisations, évalué à 6 039 euros.
• Les fabricants de silicone qui fournissaient PIP
Ils soulignent que leurs produits avaient une vocation industrielle et qu'ils ignoraient ce qu'en faisait la société PIP. Le groupe allemand Brenntag dit même avoir précisé à PIP que son silicone était à usage industriel.
"Nous n'avions aucun contact avec la société PIP", affirme de son côté le lyonnais Bluestar Silicones, comme le rapporte la magazine Lyonmag. "On livrait auprès de nos distributeurs, qui eux-mêmes répondaient à des appels d'offre" de PIP. L'entreprise a ainsi fourni au groupe PIP jusqu'à dix tonnes par an de Rhodorsil, un produit habituellement utilisé dans la climatisation ou les isolants électriques.
"Dans une relation contractuelle de base, le fournisseur est censé savoir ce pour quoi son produit est utilisé", mais peut plaider la bonne foi si l'acheteur lui a menti, souligne Me Lina Williatte, avocate spécialisée en droit médical.
• Le certificateur :
La société allemande TÜV Rheinland est l'organisme qui a certifié les prothèses produites par PIP. Elle dit avoir été trompée lors de ses inspections dans l'usine de fabrication, PIP lui montrant un gel conforme, pour le remplacer par un autre sitôt le contrôle fini.
TÜV affirme avoir respecté les directives européennes sur les dispositifs médicaux, (désormais remises en cause) qui n'imposait pas de contrôler les implants eux-mêmes et n'avoir été informé de la fraude qu'au printemps 2010, quand l'Afssaps a retiré les prothèses du marché. L'organisme s'est déjà retourné contre l'entreprise varoise auprès du parquet de Marseille en février 2011.
Le certificateur "s'engage quand même à surveiller un produit. Vu qu'il y a préjudice, il va avoir du mal à s'en sortir", précise Me Williatte.
• Les distributeurs des prothèses
Les entreprises bulgare J&D Medicals, brésilienne EMI et italienne GF Electromedics, qui distribuaient à l'étranger ces prothèses, se sont retournées contre l'organisme certificateur (TÜV Rheinland) et l'ont assigné devant le tribunal de commerce de Toulon en juin dernier. L'audience est fixée au 2 février. Selon leur avocat, cité par Le Monde, le contrôle qualité aurait dû porter aussi sur la qualité des implants eux-mêmes, et non uniquement sur les documents relatifs au produit et sur le système de management de qualité de l'entreprise.
• L'Agence des produits de santé
Selon l'Afssaps, visée par des plaintes de victimes, les implants sont des dispositifs médicaux et leur mise sur le marché est "réalisée sous la responsabilité de leur fabricant", qui est contrôlé par des organismes certificateurs comme TÜV.
L'agence "intervient, a posteriori, pour surveiller le marché", en évaluant notamment les incidents qui lui sont signalés.
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