Quatre militaires français jugés pour le meurtre d'un Ivoirien
Quatre anciens membres de la force Licorne en Côte d'Ivoire, dont un colonel, comparaissent mardi devant la cour d'assises de Paris pour le meurtre de Firmin Mahé en 2005.
JUSTICE – C'est un procès qui pourrait ternir l'image de l'armée française. Quatre anciens militaires français de la force Licorne en Côte d'Ivoire, dont un colonel, comparaissent mardi 27 novembre devant la cour d'assises de Paris pour le meurtre en 2005 de Firmin Mahé, étouffé dans un blindé avec un sac plastique. Les accusés affirment avoir reçu l'ordre d'éliminer le jeune Ivoirien. Le procès, qui doit durer jusqu'au 7 décembre, vient questionner la notion d'"ordre illégal".
Qui était Firmin Mahé ?
En mai 2005, la Côte d'Ivoire est coupée en deux par une guerre civile. Selon les militaires, la victime était un "coupeur de route", un criminel terrorisant les populations dans la "zone de confiance" qu'ils étaient chargés de surveiller. Mais pour ses proches, Firmin Mahé n'était pas un bandit mais un simple père de famille, et il y a eu erreur sur la personne.
Comment est-il mort ?
Lors d'un affrontement avec des militaires français, Firmin Mahé, interpellé près de Bangolo, est grièvement blessé à la jambe. Il est conduit à l’hôpital du Man sur ordre du général Poncet, alors commandant de la force Licorne. Dans le véhicule blindé qui le transporte se trouvent trois chasseurs haut-alpins : l’adjudant-chef Guy Raugel, le brigadier-chef Johannes Schnier et le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui tient lieu de chauffeur.
Par téléphone, le colonel Eric Burgaud, chef de corps à l'époque, les dirige : "Roulez doucement… Vous me comprenez", leur dit-il, sous-entendant que Firmin Mahé doit succomber à ses blessures pendant le trajet. Eric Burgaud dira que cette indication implicite lui a été donnée par le général Poncet.
L’adjudant-chef Guy Raugel passe alors à l’action. "A un moment donné, je vois derrière le poste du pilote ce sac plastique, un sac poubelle. Et la seule chose qui me vient à l’esprit, c’est : il est inconscient, je l’étouffe, il ne sentira rien, il meurt des suites de ses blessures et je ne veux rien avoir à faire avec tout ça", explique-t-il dans un entretien au Dauphiné libéré, avant d’expliquer qu’il "regrette son geste".
Quelles accusations pèsent sur les anciens militaires ?
Les trois militaires présents dans le blindé, ainsi que le colonel Burgaud, comparaissent pour ces faits rendus publics par le ministère de la Défense en octobre 2005. Mis en examen pour "complicité d'homicide volontaire", le général Poncet, qui dément avoir donné l’ordre de tuer Firmin Mahé, a quant à lui bénéficié d’un non-lieu. Guy Raugel est jugé pour "assassinat". Le brigadier-chef Johannes Schnier et le colonel Burgaud le sont pour "complicité d’assassinat". Quant à Lianrifou Ben Youssouf, il est accusé d'"omission d'empêcher la réalisation d'un crime". Tous ont aujourd'hui quitté l'armée et comparaissent libres.
Comment se défendent-ils ?
La défense compte mettre en avant la difficulté pour les hommes de la force Licorne, déployée sous mandat de l'ONU, de remplir une mission de maintien de l'ordre sans cadre juridique. Guy Raugel, aujourd'hui retraité, ne mâche pas ses mots pour dénoncer ces conditions : "Des ordres illégaux, j’en ai eu pendant quatre mois et demi, des grands et des petits. La légalité, c’est une valeur totalement abstraite (…). C’est facile pour une femme comme Michèle Alliot-Marie [ministre de la Défense à l'époque] de dire : si vous avez un ordre illégal, vous m’appelez. Elle sort d’où cette bonne femme pour dire des trucs pareils ! Eh ! Oh ! Faut se réveiller. On est des hommes sur le terrain", dit-il dans Le Dauphiné libéré.
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