Récidive : la Conférence de consensus conteste l'efficacité de la peine de prison
Après six mois de travaux, le jury a remis ses conclusions et préconisations à Jean-Marc Ayrault et Christiane Taubira.
Sous l’Ancien Régime, la récidive était punie par un essorillement : on coupait une oreille au voleur car il n'avait pas bien entendu le premier avertissement du juge. Les temps ont changé. Après six mois de travaux, les magistrates Nicole Maestracci et Françoise Tulkens ont rendu, mercredi 20 février, au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et à la ministre de la Justice, Christiane Taubira, les préconisations de la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive (PDF).
Appel au développement des peines alternatives au détriment de la prison, ces préconisations vont à présent être étudiées (et largement reprises) par le gouvernement, qui prépare une grande loi pénale pour le printemps. La récidive, sujet souvent plus polémique que consensuel, fait ainsi son retour dans l'arène politique. Francetv info vous donne les clés des débats.
Une pluie de propositions
La première des douze recommandations de la Conférence de consensus est une nouvelle peine, la peine de probation, visant "en priorité l’insertion ou la réinsertion des personnes qui ont commis une infraction". Évoquée de longue date par le gouvernement et présentée par Libération, elle deviendrait la principale alternative à la prison et son contenu serait modulé à partir d'une "évaluation des problématiques" de chaque condamné. Il ne s'agirait plus tant de punir que de prévenir la récidive.
En parallèle, "le jury recommande de s’orienter vers une politique de limitation de l’incarcération" et demande notamment l'abandon des peines plancher (tout comme l'abolition de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté). La prison reste nécessaire dans certains cas, mais elle doit permettre "une préparation de la sortie dès le début de l’incarcération", notamment par le maintien des liens familiaux et le développement du travail en prison. Le jury demande aussi "un système de libération conditionnelle d’office, qui permettrait de ne plus considérer cette mesure comme une faveur, mais bien comme le mode normal de libération, seul capable d’assurer une prévention efficace de la récidive".
Une pluie de chiffres
Pour formuler ses préconisations, le jury de la Conférence de consensus s'est appuyé sur plusieurs études, dont celle publiée en 2011 par deux chercheurs de l'administration pénitentiaire, Annie Kensey et Abdelmalik Benaouda. On y apprend qu'un an après leur sortie de prison, 32% des libérés sont à nouveau condamnés (à de la prison ou autre), et le chiffre s'élève à 59% cinq ans après la libération. Les personnes condamnées pour vol ou pour coups et blessures volontaires sont celles qui récidivent le plus (74% et 76%) tandis que les violeurs sont ceux qui comparaissent le moins pour une nouvelle infraction, quelle que soit sa nature (19% après cinq ans).
La Conférence de consensus a mis l'accent sur les aménagements de peine en se fondant sur cette même étude, selon laquelle "le risque d'être recondamné à une peine privative de liberté est deux fois plus élevé" en "sortie sèche" qu'avec une libération conditionnelle. Par ailleurs, le comité d'organisation a mis en avant l'avantage financier de ces mesures par rapport à la prison. Un détenu coûte en moyenne à la société 32 000 euros par an (85 euros par jour en maison d'arrêt, 196 euros en maison centrale), soit plus que les aménagements de peine (10 euros en placement sous surveillance électronique, 59 euros en semi-liberté...).
Une pluie de lois
"Depuis deux siècles, le traitement de la récidive se traduit généralement par un durcissement de la législation", écrivait en 2007 la démographe Annie Kensey dans son ouvrage Prison et récidive. La présidence de Nicolas Sarkozy l'a confirmé : la récidive a été l'objet de sept lois (PDF) en cinq ans, selon la professeure de droit Laurence Leturmy. Une activité législative qui a produit "un terrain encombré", selon Christiane Taubira. La ministre de la Justice a stigmatisé jeudi la faiblesse des dispositifs passés qui "reposent sur un postulat : celui du rôle dissuasif de la prison, un postulat qui n'est pas vérifié, ni théoriquement, ni à l'usage".
Plutôt que sur la répression de la récidive, le gouvernement entend à présent insister sur la prévention. François Hollande a déjà appelé le 18 janvier à la suppression des peines plancher, dont l'efficacité face à la récidive est contestée, ainsi qu'à la mise en place d'"une peine de probation". Convaincue que "l'enfermement mal conçu produit de la récidive", Christiane Taubira a, elle, déjà promis le doublement en trois ans des places en semi-liberté et des peines aménagées. S'y ajoutent désormais les préconisations de la Conférence de consensus, qui seront en partie intégrée dans la loi pénale "votée dans les prochains mois", selon François Hollande.
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