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Enquête Au CHU de Poitiers, des dizaines d'internes se disent victimes de harcèlement

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'Oeil du 20h : 17/05/2021
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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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Dans le service de gynécologie du centre hospitalier, certains internes racontent le harcèlement moral qu’ils disent subir depuis des mois jusqu’à l’envie de mourir. Nous avons enquêté sur une omerta.

Tous décrivent des formes de "harcèlement" de l'équipe pédagogique, en particulier des chefs de pôle et chefs de service. Trente deux témoignages d’internes du service de gynécologie du CHU de Poitiers (Vienne) ont été transmis à l’Agence régionale de santé, l’ARS. "Chaque semestre, un interne à des propos suicidaires", raconte l'un d'entre eux à "L'Oeil du 20 heures". "Un professeur m’a insultée de salope au bloc opératoire", confie une interne. Une mission d’inspection de l’ARS a été lancée et des dizaines d’auditions se sont tenues. 

Aucun étudiant de gynécologie n’a souhaité nous répondre, même de manière anonyme, par crainte de représailles. Seul un interne d’un autre service a osé dénoncer l’omerta qui régnerait actuellement en gynécologie : "Ce sont des praticiens qui humilient. Il y a des pleurs presque toutes les semaines, l’arrivée la boule au ventre le matin au travail. L’ancien chef de service continue d’avoir des internes au bloc opératoire et continue à en humilier certains. Ces praticiens là arrivent à reprocher aux internes d’avoir parlé en leur disant que ce sont des enfants pourris gâtés, qu’ils n’ont plus rien à leur apprendre. Finalement, les internes se demandent si le fait de témoigner a été une bonne chose."

"Il y a des pleurs presque toutes les semaines, l’arrivée la boule au ventre le matin au travail."

Un interne du CHU de Poitiers

Des alertes dès 2017

Cette situation durerait depuis des années. Candice Chatel était interne dans le service de gynécologie de 2013 à 2016. Elle s’est depuis installée loin, à Nice (Alpes-Maritimes), pour sortir de l’influence du CHU de Poitiers. Elle se souvient des quatre semestres pendant lesquels elle dit avoir vécu un enfer : "On fait des réunions médicales où on parle des dossiers compliqués. Entre internes, on surnommait ces réunions 'les procès'. Il y avait des cris, des dossiers jetés sur les tables, des humiliations pour les chefs de clinique. J’ai vu un des externes se prendre un coup de pied dans l’épaule par un des chefs. Il était assis, le chef était debout, il lui a mis un coup de pied dans l’épaule et lui demandait de répondre à sa question." Les deux médecins incriminés ne nous ont pas répondu.

Les étudiants du service de gynécologie avaient déjà alerté la direction en 2017, une inspection en interne avait été menée. Comment se fait-il que de telles alertes aient pu se reproduire ? Le président de l'intersyndicale nationale des internes, Gaétan Casanova, pointe la concentration du pouvoir dans les hôpitaux, un système d’encadrement qui concerne tous les étudiants en médecine : "Vous avez une personne qui est à la fois votre supérieur hospitalier, votre supérieur hiérarchique coordinateur de votre diplôme, c’est lui qui va valider vos semestres et il va vous permettre une spécialisation. Vous allez donc vous retrouver enfermés jusqu'à cinq ans avec une personne qui vous veut du mal."

Risque grave et imminent

Durant son inspection, l’Agence régionale de santé a considéré qu’il y avait un risque grave et imminent. Elle a donc préconisé la suspension des fonctions de chef de pôle et chef de service des praticiens visés ainsi que la suspension de l’agrément pour le prochain semestre, ce qui signifie l’arrêt des stages d’internat.

La direction de l’hôpital nous a confirmé la suspension des fonctions de chefs de pôle et chefs de service. Mais selon nos informations, l’un des médecins encadre toujours les internes. En ce qui concerne les stages d'internat, le CHU souhaite les poursuivre, malgré les avertissements de l'ARS.

De son côté, le syndicat des internes attend davantage de la direction et alerte sur la détresse des étudiants en gynécologie. Son président, Nils Antonorsi, craint le pire. "Tous les matins, on a peur de ça. On se dit, pourvu qu’il y n'y ait pas une personne qui se supprime."

L’Agence régionale de santé a transmis les témoignages des étudiants au procureur de la République. L’ordre des médecins a également été saisi pour statuer sur les potentiels manquements à la déontologie.

Parmi nos sources :

- Cet article de nos confrères de Mediapart qui pointe les problèmes de harcèlement au CHU de Poitiers. 

- Cet article de La Nouvelle République sur l'inspection actuellement en cours de l'Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine.

- Le rapport de l'Intersyndicale nationale des internes sur le suicide des étudiants 

Liste non exhaustive.  

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