: Vidéo Chez Orange, comment une chaîne de sous-traitance aurait mis des techniciens en danger
Le samedi 15 octobre 2022, Aimen Sahli est mort au travail, à 29 ans. Dans le Cantal, sur un chantier sous-traité par le géant Orange, ce technicien des télécoms devait remplacer des poteaux téléphoniques trop anciens pour supporter la fibre. En dressant un poteau neuf sous une ligne à moyenne tension, il est foudroyé par un arc électrique. Il meurt sur le coup.
Franck Refouvelet apprend dans le journal ce décès qu'il juge incompréhensible. Sur la photo qui illustre l'article, sous la ligne à moyenne tension : un poteau métallique. Inimaginable, explique cet élu du personnel en charge de la sécurité chez Orange, qui a travaillé pendant trente ans dans les télécoms. C'est pourtant le b.a-ba, selon lui : si la ligne téléphonique est proche d'une ligne électrique, comme sur la route où travaillait Aimen, les poteaux en métal sont interdits. Pour éviter les risques d'électrocution, on utilise toujours des poteaux en composite.
"Faire travailler sous une ligne moyenne tension des techniciens avec des poteaux métalliques… les conditions étaient réunies pour que le drame qui est arrivé arrive."
Franck Refouvelet, élu du personnel en charge de la sécurité chez Orangedans "Complément d'enquête"
Comment Aimen a-t-il pu avoir à manipuler un poteau en métal sous une ligne électrique ? Dans le stock de poteaux portant une étiquette "Orange" que Franck a découvert en contrebas de la route, aucun n'est en composite. Il prend des photos, fait un rapport, et adresse ces questions à l'entreprise : qui était chargé de commander ces poteaux ? Qui les a livrés ? Il n'a pas obtenu de réponse.
Sous-traitance en cascade
"Complément d'enquête" s'est procuré le schéma interne de ce qu'on appelle une "sous-traitance en cascade". Pour obtenir la fibre, la région Auvergne-Rhône-Alpes charge Orange de construire le réseau. Ensuite, la branche Sud-Est d'Orange sous-traite le chantier à Eiffage, un géant de la construction... qui missionne Intercom, un installateur de la région parisienne. C'est ce dernier qui a envoyé Aimen, auto-entrepreneur, sur le terrain.
"Et c'est finalement cette chaîne de sous-traitance qui permet de diluer la responsabilité, et à chacun de se décharger. "
L'avocat de la famille d'Aimen Sahlidans "Complément d'enquête"
Un mois après le drame, la direction régionale d'Orange dit ne pas savoir pourquoi les poteaux en composite étaient absents du chantier sur lequel travaillait Aimen. Contactée, Eiffage rejette la responsabilité sur son sous-traitant Intercom. Ce dernier avait-il averti Aimen du risque électrique ? Intercom n'a pas fourni de réponse à cette question.
"Tout le monde se renvoie la balle", constate l'avocat de la famille de la victime, soulignant que le géant des télécoms a "une obligation de vigilance vis-à-vis des travaux qui sont réalisés par ses sous-traitants". Pour lui comme pour la famille d'Aimen, toutes les entreprises impliquées dans ce chantier doivent prendre leurs responsabilités. D'autant que ce n'est pas la première fois qu'un tel drame se produit : à Marseille, huit mois avant Aimen, un autre sous-traitant d'Orange est mort dans les mêmes conditions...
La direction d’Orange, qui a refusé les demandes d'interview de "Complément d'enquête", assure par écrit que "la sécurité des techniciens est [sa] priorité". Au sujet du décès d'Aimen Sahli, elle indique ceci : "La victime était un salarié d'une entreprise qui n'avait pas été déclarée à Orange par son sous-traitant. En outre, cet accident tragique s'est produit sur une intervention non planifiée par notre partenaire de rang 1, de surcroît un samedi, alors que les travaux sont interdits le week-end." L'enquête ne fait que commencer ; elle risque de durer plusieurs années.
Extrait de "Quand le travail tue", un document de "Complément d'enquête" à voir le 20 avril 2023.
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