: Vidéo L'explosion du nombre de centres de santé a-t-elle été suffisamment encadrée ? Deux anciennes ministres de la Santé esquissent un début de "mea culpa" dans "Complément d'enquête"
Le 14 mars, "Complément d'enquête" s'intéresse à un système dont certaines dérives peuvent coûter cher à la Sécurité sociale... et aux patients : celui des centres de santé, dont le nombre a explosé en France. Leur installation a-t-elle été suffisamment encadrée ?
Selon Abdel Aouacheria, responsable d’une association de patients, victime d’un centre dentaire, qui se bat pour une meilleure régulation du secteur, la loi Bachelot de 2009 porterait "une responsabilité majeure" dans le dévoiement du système. Pour lutter contre les déserts médicaux, elle a en effet assoupli le cadre légal, et permis l'ouverture d'un centre de santé sans avoir à obtenir d’autorisation préalable des autorités de santé.
2009 : suppression de l'agrément obligatoire
Quinze ans plus tard, quel regard porte la ministre de la Santé de l'époque sur cette décision ? Devant la caméra de "Complément d'enquête", Roselyne Bachelot met en avant la nécessité de créer de nouveaux centres de santé, suite à une "demande très forte et partagée" émanant de "l'ensemble du personnel politique". Mais l'ancienne ministre admet qu'"il aurait été sans doute judicieux que la création de nouveaux centres de santé d'une manière importante soit mieux accompagnée".
2018 : ouverture du secteur aux acteurs privés à but lucratif
Tout en assouplissant le cadre légal, la ministre avait tout de même fixé une condition : les centres de santé devaient rester des associations à but non lucratif. En 2018, Agnès Buzyn va aller plus loin : elle ouvre le secteur au privé lucratif... et ce, toujours sans avoir à obtenir d'autorisation avant d’ouvrir un centre de santé. Elle dit avoir très vite senti de "potentielles dérives", mais celles-ci ne pouvaient-elles pas être anticipées, neuf ans après la loi Bachelot ? Pourquoi ne pas avoir rétabli l'obligation d'obtenir un agrément ?
A l'époque, explique Agnès Buzyn, "j'ai tout un écosystème contre moi qui ne veut pas de cette démarche d'autorisation". En cause, selon elle, des procédures jugées trop longues et trop complexes par la profession. Face à l'urgence, et à "l'angoisse que créent les déserts médicaux dans la population et chez les élus locaux", l'ordonnance de 2018 ne rétablira donc pas l'obligation d'une autorisation pour ouvrir un centre de santé... "Force est de constater qu'on aurait dû, mais je n'ai pas imaginé qu'il y aurait de telles dérives au niveau de la qualité", se justifie l'ancienne ministre, reconnaissant ne pas avoir anticipé "que certains qui ne sont même pas médecins proposent l'ouverture de centres de santé"...
2023 : retour de l'agrément (pour les centres dentaires et ophtalmologiques)
Résultat : suite à ces assouplissements successifs, le nombre de centres de santé en France a bondi pour atteindre 2 830 en 2022. C'est près de 50% de plus en quatre ans... Face aux nombreux abus et fraudes, en 2023, le législateur a rétabli l'obligation de l'agrément pour les centres de soins dentaires et ophtalmologiques.
Extrait de "Centres de santé : profits sur ordonnance", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 14 mars 2024.
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