: Vidéo Mannequins recrutées dans les camps de réfugiés : la face cachée du conte de fées
Depuis quelques années, le milieu de la mode se les arrache. Les top modèles sud-soudanaises sont sur tous les podiums, et défilent pour les marques les plus prestigieuses. La plupart de ces jeunes femmes ont un point commun étonnant : elles viennent de l'un des plus grands camps de réfugiés d'Afrique, le camp de Kakuma, au Kenya.
Pour échapper à la pauvreté, beaucoup de ces jeunes dont la famille a fui la guerre au Soudan du Sud rêvent de devenir mannequins. Le camp de réfugiés est le théâtre de scènes surprenantes : sur les terrains vagues, dans la poussière, s'improvisent des défilés en talons hauts et des séances d'entraînement. Les filles (mais aussi les garçons) espèrent être repérées par les recruteurs que certaines agences de mannequinat n'hésitent pas à envoyer jusque dans les camps.
Elles ne le savent pas, mais le conte de fées qu'elles imaginent a une face cachée. Prêtes à tout pour s'en sortir, ces adolescentes sont des proies faciles pour les arnaqueurs ou les agences peu scrupuleuses. Pour Nyabalang, dont "Envoyé spécial" raconte l'histoire, le rêve a tourné au cauchemar.
Approchée par une grande agence africaine, puis abandonnée et menacée
Nyabalang avait 20 ans quand elle a été approchée, dans le camp de Kakuma, par Joan Okorodudu, la directrice de l'une des plus grandes agences de mannequinat africaines. Très vite, cette femme lui propose de partir en Europe. Pour la jeune fille, l'offre ne se refuse pas : elle y voit le seul moyen d'échapper au mariage forcé que son père est en train d'arranger au Soudan du Sud. Alors elle signe le contrat sans vraiment savoir ce qu'il contient. Avec une quinzaine d'autres filles, elle se rend à l'ambassade de France pour faire faire un visa.
A Paris, elle passe des castings pour Yves Saint Laurent, Balmain et Valentino. Mais aucun de ces grands créateurs ne la sélectionne pour ses défilés. Alors son agence l'abandonne… Quinze jours après son arrivée, on lui annonce qu'elle doit repartir en Afrique. Nyabalang refuse. Selon elle, son agent, Joan Okorodudu, lui aurait alors confisqué son passeport et son téléphone. Dans une conversation qu'aurait enregistrée un témoin ce jour-là, et que Nyabalang ne peut écouter sans effroi, on entend ces menaces : "Maintenant, tu es une paria. Ils vont te renvoyer dans le camp. Tu sais ce qui va t'arriver dans le camp ? Il y a de la prostitution là-bas, tu le sais, ça ? Quelqu'un va abuser de toi."
Endettée et humiliée après un retour forcé
"Elle nous menace parce qu'elle sait que nous sommes réfugiées, que nous n'avons pas de pouvoir, que nos familles ne peuvent rien faire contre elle", dit aujourd'hui Nyabalang dans "Envoyé spécial", confiant avoir "peur qu'elle continue à humilier des enfants, et à les exploiter pour son propre intérêt".
Le lendemain de cette conversation, la jeune femme est mise dans un avion pour le Kenya. Mais le cauchemar de Nyabalang ne s'arrête pas là. Non seulement elle a été renvoyée, mais ses agents lui demandent aussi 2 873 euros pour rembourser son billet d'avion et son logement. La jeune fille n'a pas de quoi payer. Elle rentre au camp de Kakuma sans un sou, et endettée. Une humiliation pour toute sa famille.
Extrait de "Top model : le rêve des réfugiées", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 29 février 2024.
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