Vidéo "Envoyé spécial" : comment la filière maraîchère bretonne a recours à des travailleurs africains souvent sans papiers, et sous-payés

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"Tout le monde ferme les yeux" : comment la filière maraîchère bretonne a recours à des travailleurs africains souvent sans papiers, et sous-payés
"Tout le monde ferme les yeux" : comment la filière maraîchère bretonne a recours à des travailleurs africains souvent sans papiers, et sous-payés "Tout le monde ferme les yeux" : comment la filière maraîchère bretonne a recours à des travailleurs africains souvent sans papiers, et sous-payés (ENVOYÉ SPÉCIAL / FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions
Les migrants venus d’Afrique, souvent sans titre de séjour, sont devenus un rouage essentiel de la filière maraîchère bretonne. Dans les environs de Lannion, aucun des producteurs qui les emploient n'a accepté de répondre aux questions d'"Envoyé spécial", mais une inspectrice du travail a souhaité dénoncer l'hypocrisie qui règne, selon elle, dans le secteur.

En Bretagne, de juillet à octobre, c'est la récolte des célèbres cocos de Paimpol. Comme les étudiants et les retraités français n'y suffisent plus, les maraîchers ont de plus en plus souvent recours à des travailleurs étrangers. Dans ce champ près de Lannion où s'est rendue une équipe d'"Envoyé spécial", assis sur une chaise sept heures par jour à ramasser les haricots, des Maliens, Camerounais, Guinéens... tous les travailleurs sont africains.

    "Les Africains, eux, ils ne connaissent pas de sot métier. Vous, les Français, vous avez honte peut-être de travailler dans les cocos, mais nous, on ne choisit pas."

    Un travailleur agricole africain

    employé dans un champ de haricots en Bretagne

    Ils affirment être déclarés par le propriétaire du champ qui les emploie, mais aucun ne semble avoir de papiers français. Seraient-ils employés illégalement ?

    Toute la filière maraîchère bretonne a recours à ces travailleurs africains, afghans ou syriens, devenus des "saisonniers permanents". Aucun producteur local ne veut le reconnaître ouvertement, et tous ceux que les journalistes ont contactés ont refusé de répondre à leurs questions. La coopérative locale a même prévenu certains maraîchers, par SMS, de la présence d'une équipe d'"Envoyé spécial" cherchant à "récupérer des informations concernant la main-d'œuvre étrangère", avec ce conseil : "Soyez vigilants et renvoyez vers la coopérative". Laquelle a elle aussi décliné les demandes d’interview...

    Seule une inspectrice du travail a accepté de s'exprimer, sous couvert d'anonymat. Elle veut dénoncer l’hypocrisie qui règne, selon elle, dans le secteur : "Tout le monde ferme les yeux. Il n'y a pas que les services de l'Etat, c’est les agriculteurs, c’est tout le monde."

    "Il n’y a pas de main-d’œuvre française qui veut faire ce travail, parce que ce n’est pas rémunérateur."

    Une inspectrice du travail

    qui témoigne anonymement dans "Envoyé spécial"

    L'inspectrice ne nie pas que les agriculteurs déclarent leurs salariés, mais sans avoir les moyens de vérifier leur identité. Ce qui n'est pas facile, précise-t-elle, car ces travailleurs étrangers "ne sont pas forcément sans titre, mais ils ont des 'alias' ..." (ils utilisent par exemple la carte d’identité d’un proche).

    Des travailleurs maintenus dans la précarité

    D’après elle, beaucoup de producteurs ont intérêt à maintenir dans la précarité ces travailleurs étrangers, souvent sous-payés, voire exploités. "Comment voulez-vous revendiquer dans ces conditions-là ?" demande-t-elle. Si on lui donne 500 euros au lieu des 1 200 euros dus (l'ouvrier de cueillette est censé percevoir l'équivalent du smic, voire davantage, selon le poids des denrées récoltées), "il est obligé d’accepter. A qui il va aller se plaindre ? On va lui dire 'Mais c’est même pas vous, Monsieur, c’est votre alias !' C’est un no man's land."

    Extrait de "Sans papiers mais pas sans travail", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 7 décembre 2023.

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