Vidéo Groenland : victimes de la pose forcée d'un stérilet dans les années 1960, des femmes inuites témoignent

Publié
Durée de la vidéo : 4 min
Groenland : victimes de la pose forcée d'un stérilet dans les années 1960, des femmes inuites témoignent
Groenland : victimes de la pose forcée d'un stérilet dans les années 1960, des femmes inuites témoignent Groenland : victimes de la pose forcée d'un stérilet dans les années 1960, des femmes inuites témoignent (NOUS, LES EUROPEENS / FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions
Au Groenland, dans les années 1960, la moitié des femmes inuites ont subi une pose de stérilet non consentie. Une politique initiée par l'Etat danois pour tenter de contrôler la natalité sur l'île. Chez certaines, cette opération a entraîné traumatisme et infertilité.

Aujourd'hui territoire autonome avec son propre gouvernement, le Groenland a été pendant des siècles une colonie du Danemark. En 1953, l’île est devenue une province intégrée au pays. Copenhague voulait alors en faire le "Danemark du nord" et a poussé les Inuits à changer leur mode de vie : leur habitat, leur alimentation et jusqu'à leur intimité.

Au début des années 1960, le Groenland avait le plus fort taux de natalité au monde. Trop, selon l’Etat danois qui a lancé une politique de contraception. Des milliers de femmes inuites, et surtout des jeunes filles, ont alors été contraintes de se faire poser des stérilets. En plus du traumatisme et des douleurs, cet acte a engendré chez certaines des infections et une infertilité définitive.

"Je n’avais que 12 ans, je n’avais pas encore mes règles"

Sur une photo de famille, Naja Lyberth, une des victimes qui a dénoncé cette campagne, se reconnaît enfant parmi ses neuf frères et sœurs. Une famille dans la norme, à cette époque, chez les Inuits. En 1975, elle n’a pas encore 14 ans quand le médecin scolaire lui demande de se rendre, dès le lendemain, à l’hôpital pour se faire poser un stérilet.

"A cette époque, je n’avais jamais entendu parler de stérilet, on ne m’avait jamais expliqué ni demandé non plus si j’en voulais un. Personne ne m’a demandé mon avis, la question n’a pas non plus été posée à mes parents. On m’a demandé de baisser mes vêtements. J’ai raconté cette histoire si souvent... mais ça me fait toujours aussi mal. Je n’avais jamais eu de relations sexuelles avant, on ne m’avait jamais demandé d’écarter les jambes. J’avais honte. C’était comme des coups de couteau dans mon ventre. Si je devais le qualifier aujourd’hui, je dirais que c’était comme un abus sexuel car ils ont franchi une limite en touchant à mon ventre."

Arnaq Johansen était elle aussi une enfant quand un médecin danois lui a infligé le même traitement. "Je n’avais que 12 ans, je n’avais pas encore mes règles, je n’y connaissais rien. A cette époque, on ne parlait pas de ça : le sexe, les règles. Je ne savais même pas comment on faisait les bébés... Le médecin m’a montré le lit et m’a dit de m’allonger, personne ne m’a expliqué pourquoi je devais m’allonger. J’avais honte d’être nue mais parce que c’était un médecin, j’ai obéi à ce qu’il me disait." A l’âge de 21 ans, Arnaq fait enlever son stérilet parce qu’elle désire avoir un enfant, mais elle ne pourra jamais tomber enceinte.

4 500 stérilets posés sur 9 000 Inuites en âge de procréer

A l’hôpital de Nuuk, la gynécologue Aviaja Siegstad n’a aucun doute, le stérilet utilisé dans les années 1960-70 pouvait gravement endommager le corps des jeunes filles à peine pubères. Dans ses mains, elle tient une représentation de l’appareil génital féminin et explique : "C’est la taille d’un utérus d’une jeune fille qui n’a jamais été enceinte. La photo montre un stérilet en spirale dans sa taille réelle. Comme vous pouvez le voir, la spirale ne peut pas tenir dans la cavité, donc les médecins auront des difficultés pour la placer, avec des risques de perforation. Les jeunes filles ne peuvent qu’avoir mal. Les complications du stérilet sont la douleur, l’infection et la stérilité", conclut-elle.

Entre 1966 et 1970, 4 500 stérilets ont été posés sur 9 000 femmes inuites en âge de procréer, une campagne à grande échelle qui sera révélée en 2022 grâce aux témoignages des victimes. En mars 2024, 143 femmes ont déposé plainte contre l’Etat danois, et une commission d’enquête a été mise en place.

Extrait de "Groenland, la terre de glace", diffusé dans "Nous, les Européens" le 12 septembre 2024.

> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.