: Vidéo Pérou : un tiers de la population serait contaminé aux métaux lourds, exemple dans le village minier de Tintaya
Un tiers de sa population vit sous le seuil de pauvreté, et pourtant, le Pérou ne manque pas de richesses. Son sous-sol regorge de cuivre, de fer, de zinc, de gaz, de pétrole, d'or, d'argent… qui ne profitent guère aux habitants. L'équipe du magazine "Sur la ligne" est allée enquêter dans la province d'Espinar, à un millier de kilomètres au sud-est de Lima.
Perché à plus de 4 200 mètres d'altitude dans les Andes, le village de Tintaya a été déplacé pour céder la place à une mine, l'une des plus importantes du Pérou, qui produit près de 10% du cuivre péruvien. L'un des habitants de Tintaya a mené les journalistes à travers l'Altiplano péruvien, au bord du gigantesque cratère recouvert en partie par des eaux turquoise. "Des résidus d'acide sulfurique, explique Vidal Merma, et d'autres substances qu'utilise la compagnie pour extraire le cuivre, l'or et autres métaux."
En contrebas de la mine, un cours d'eau abreuve les fermes des alentours, comme celle où Vidal a grandi. Selon ce dernier, cette eau, gazeuse et d'une couleur jaune suspecte, décime les troupeaux depuis quelques années. La semaine dernière encore, son père a trouvé deux vaches mortes.
"Avec le temps, je tomberai malade. Je crois que mes enfants le sont déjà."
Jessica, maraîchère à Tintayadans "Sur la ligne"
Cette eau polluée est aussi utilisée pour les cultures. "On n'en a pas d'autre", souffle Jessica, qui s'en sert pour arroser ses plants de fraises et ses laitues. Ses enfants de 10 et 6 ans souffrent de troubles intestinaux et de maux de tête chroniques. Son père vient de mourir d'un cancer de la gorge, comme plusieurs de ses voisins. "Dans toute cette zone, c'est un phénomène croissant, le cancer", explique Vidal.
"On serait plus de 1 700 dans la région à avoir des métaux lourds dans le corps."
Vidal Merma, habitant de Tintayadans "Sur la ligne"
Vidal a confié aux journalistes de "Sur la ligne" les résultats des analyses sanguines de plusieurs habitants, dont les membres de sa famille. L'équipe est allée les montrer à un spécialiste de la capitale. Toxicologue, spécialiste des effets de la pollution sur la santé, le Dr Fernando Osores connaît bien le dossier. Il a claqué la porte d'une commission d'enquête pour l'Institut national de santé péruvien qui cherchait, selon lui, à étouffer des résultats qui ne lui convenaient pas.
Devant les analyses d'un adolescent, dont le "système nerveux n'est pas arrivé à maturité et [qu'ils] bombardent déjà d'un agent cancérigène et d'un poison hautement toxique", il s'étrangle. "De l'arsenic. C'est inacceptable !" Naturellement présent dans la roche des Andes, il est rejeté en grande quantité par la mine.
Volonté d'étouffer le dossier, corruption ?
De son côté, la compagnie minière s'appuie sur des études menées par des institutions étatiques pour mettre en doute le lien entre son activité et la présence de métaux lourds dans l'eau. Elle ajoute avoir versé 320 millions d'euros en 2021, et précise qu'à ses impôts s'ajoute une contribution volontaire annuelle équivalente à 3% de ses bénéfices. Une montagne d'argent dont Tintaya n'a jamais vu la couleur… Le mot "corruption" est dans toutes les bouches, et sur les murs, des inscriptions proclament "Oui à la vie, non à la mine" ou "La vie vaut plus que du cuivre".
Les conséquences sanitaires de l'activité minière, un pilier de l'économie nationale, inquiètent pourtant le ministère de la Santé péruvien. Selon un rapport officiel, un tiers de la population du pays, soit 11 millions d'individus, pourraient être contaminés aux métaux lourds et à l'arsenic.
Extrait de "Pérou : le mur de l'infamie", un reportage de Djamel Mazi, Christophe Kenck, Yvan Martinet, Yann Moine, Olivier Gardette, Marion Gualandi diffusé dans le magazine "Sur la ligne", jeudi 6 juillet à 23h15 sur France 2.
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