: Vidéo A Ayacucho, ville rebelle du Pérou, les visages des victimes de la répression de décembre 2022 s'affichent sur les murs du cimetière
Instituteur, syndicaliste, métis, issu de la campagne, Pedro Castillo, élu en juillet 2021, incarnait au Pérou le premier "président des pauvres", la revanche des indigènes sur l'élite blanche de la capitale Lima. Depuis sa destitution le 7 décembre 2022, puis son emprisonnement, le Pérou est plongé dans une grave crise politique et la colère ne retombe pas. Dans la rue, les manifestants ont exigé par millions la démission de Dina Boluarte, l'ancienne vice-présidente qui a repris les rênes du pays et décrété l'état d'urgence. La répression a pu être féroce, comme ce 15 décembre 2022 où l'armée a tiré sur la foule.
A quelque 300 kilomètres au sud-est de Lima, sur le versant oriental de la cordillère des Andes, Ayacucho (appelée aussi Huamanga) a cru revivre avec cette insurrection populaire réprimée dans le sang la violence des années 1980. La ville est le berceau du Sentier lumineux, le groupe maoïste dont le soulèvement armé, sur fond d'injustices et d'inégalités, avait entraîné une terrible répression et fait des dizaines de milliers de morts. Si la révolte actuelle n'est en rien comparable, ce mouvement populaire, andin et indigène, est d'ores et déjà historique, explique un sociologue dans la suite de ce reportage du magazine "Sur la ligne".
Une dizaine de manifestants abattus par l'armée
Ce jeudi-là, le 15 décembre, une partie des manifestants massés au centre-ville d'Ayacucho décident d'aller occuper l'aéroport. Alors que 150 personnes envahissent le tarmac, un autre groupe jette des pierres sur une quinzaine de militaires, à l'autre bout de la piste. Soudain, trois d'entre eux ripostent à l'arme de guerre. Pendant 48 heures, l'armée va tirer et une dizaine de manifestants seront abattus.
Le mari de Ruth, 32 ans, compte parmi les victimes. Inconsolable, la jeune femme revient à l'endroit même où s'est effondré Leonardo, ce combattant des luttes sociales qui lui répétait souvent "Jamais à genoux ! Debout, comme un Péruvien". "Ils étaient en face, ils ont tiré de là-bas, raconte-t-elle. Il y avait de nombreux manifestants. Ils se protégeaient derrière des plaques de tôle. Mon mari a levé la main droite en leur demandant de ne pas tirer. C'est là que l'un des militaires a fait feu sur lui."
Touché d'une balle à l'abdomen, Leonardo est mort peu après à l'hôpital. Sur les murs du cimetière d'Ayacucho, une photo de son visage est affichée avec celles des autres victimes. Comme José Luis Aguilar, tué d'une balle en pleine tête à seulement 20 ans.
Extrait de "Pérou : le mur de l'infamie(Nouvelle fenêtre)", un reportage de Djamel Mazi, Christophe Kenck, Yvan Martinet, Yann Moine, Olivier Gardette, Marion Gualandi diffusé dans le magazine "Sur la ligne", jeudi 6 juillet à 23h15 sur France 2.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS(Nouvelle fenêtre) & Android(Nouvelle fenêtre)), rubrique "Magazines".
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.