Au Pérou, le président reste en prison... et les manifestants dans la rue
Petit résumé des épisodes précédents : il a suffi de trois heures pour que tout bascule. Le 7 décembre, le président Pedro Castillo, ancien instituteur venu du monde rural, tente un coup de force. Les mains un peu tremblantes, il annonce en direct à la télévision la dissolution du parlement, qui depuis son arrivée au pouvoir il y a un an et demi ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues.
Il accuse les députés d'être à la botte des grands monopoles, de bloquer les réformes, d'affaiblir la démocratie. "Le travail d'obstruction infâme de membres du Congrès (...) a réussi à créer le chaos afin de prendre le pouvoir en dehors de la volonté populaire" dit-il. Il est vrai que ce parlement, dominé par la droite, fait tout pour prendre le contrôle sur l'exécutif. En octobre, il a même interdit au président de se rendre, entre autres, à Bruxelles et à Londres pour des visites de travail. Pedro Castillo ne supporte plus cette situation, il veut tout faire exploser.
Sauf que les députés ne se laissent pas faire. Au lieu d'obéir, ils votent à une large majorité sa destitution. L'aventure putschiste de l'instituteur paysan se termine avant même d'avoir commencé. Pedro Castillo tente de fuir en se réfugiant à l'ambassade du Mexique mais sa propre escorte, qui se retourne contre lui, le conduit en prison. Désormais poursuivi pour "rébellion" et "conspiration", il est en détention provisoire pour 18 mois.
Huit morts, près de 200 blessés
Mais Pedro Castillo a des soutiens et que la rue se soulève : depuis son arrestation des millions de Péruviens manifestent à travers tout le pays pour réclamer sa libération. Les affrontements avec les forces de l'ordre ont déjà fait huit morts et près de 200 blessés.
La vice-présidente, qui a repris les commandes, a déclaré l'état d'urgence pour trente jours. C'est maintenant la police et l'armée qui sont chargées du maintien de l'ordre. Un couvre-feu est en vigueur dans plusieurs provinces. Des mesures qui évidemment n'ont fait qu'attiser la colère des manifestants, qui réclament à la fois la fermeture du Congrès, des élections anticipées et une nouvelle constitution.
Coincés au Machu Picchu
Des touristes se retrouvent pris dans les troubles malgré eux : tous ceux qui étaient partis visiter la citadelle inca du Machu Picchu se retrouvent coincés dans le village au pied du site. La seule façon de quitter les lieux est de prendre le train pour Cuzco, à une centaine de kilomètres, mais la ligne est suspendue ; il y a des barrages aussi sur les routes. Près de 800 étrangers sont bloqués. Le maire a demandé des hélicoptères pour en évacuer une partie. Ceux qui voudraient quitter le pays pour rentrer chez eux ne peuvent pas non plus, tous les aéroports régionaux qui font la liaison avec la capitale sont fermés. Le Quai d'Orsay appelle les Français à reporter tout déplacement non essentiel.
Pour calmer la colère, le gouvernement promet d'avancer la date de l'élection présidentielle à 2024, voire décembre 2023 sans attendre 2026. Mais l'instabilité politique est un mal endémique au Pérou. La corruption et les réseaux clientélistes gangrènent le Congrès qui fait quasiment ce qu'il veut des présidents faibles et minoritaires. En 18 mois de mandat, Pedro Castillo a nommé cinq gouvernements différents et survécu à deux motions de censure mais avant lui, ce n'était pas mieux. En 2020, le pays a même connu trois présidents en une semaine ! Il est temps d'assainir l'ensemble de la classe politique comme le réclament les manifestants.
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