Valérie Hériaud-Zanon : "Le métier manuel n'attire plus aujourd'hui"
Invitée de Stéphane Dépinoy dans ":L'éco", Valérie Hériaud-Zanon est la dirigeante d'Aveyron Elec Concept, une entreprise spécialisée dans l'électricité industrielle. À la veille du job dating "Les Salons de l'Aveyron", elle nous parle de la difficulté à recruter en zone rurale.
Valérie Hériaud-Zanon est la dirigeante d'Aveyron Elec Concept (AEC). L'entreprise, qui compte 25 salariés, est spécialisée dans l'électricité industrielle (travaux très haute tension, groupes électrogènes, champs photovoltaïques ou encore éoliens).
Alors que le taux de chômage s'établit à 8,5 % de la population active en France, selon l'Insee, Valérie Hériaud-Zanon peine à recruter des électriciens dans son département, l'Aveyron. Pour quelles raisons ? "Nous n'arrivons pas à attirer des gens dans notre activité, certainement par manque d'intérêt pour notre métier manuel", explique la cheffe d'entreprise.
"Est-ce une difficulté géographique parce que vous êtes dans l'Aveyron, et que c'est retiré, ou c'est autre chose ? Quel est le premier critère ?", interroge Stéphane Dépinoy.
"Le premier critère, c'est le métier manuel qui n'attire plus aujourd'hui", répond Valérie Hériaud-Zanon. "Le deuxième facteur, certes, c'est le fait d'habiter dans un milieu rural. Je pense que les gens ont une méconnaissance totale de notre région, et donc, ça leur fait peut-être un petit peur de venir chez nous."
Valérie Hériaud-Zanon est actuellement à Paris car elle participe à un job dating, c'est-à-dire un salon du recrutement "éclair", dédié à l'Aveyron. Le job dating "Les Salons de l'Aveyron" se tiendra samedi 12 octobre. "Ce que nous attendons de ce job dating, le deuxième que nous venons faire à Paris, c'est de repartir avec des candidats qui ont envie de déménager, de venir avec nous en Aveyron, et qui ont envie de nous accompagner dans la belle aventure que mène AEC depuis maintenant plus de trente ans", précise-t-elle.
"Alors, vous dites 'belle aventure', parce qu'en fait, il faut savoir que ce sont des métiers bien payés, qui permettent de voyager parce qu'il y a des chantiers qui ne sont pas tous dans l'Aveyron. Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi ce métier manuel que vous proposez est tout à fait valorisant ?", demande Stéphane Dépinoy.
"Un électricien de chantier qui va venir travailler chez nous gagnera 2.800 euros brut par mois, ce qui n'est quand même pas négligeable, en plus des forfaits de déplacements que nous allons accorder. Ensuite, nous travaillons sur la France entière, par contre, nous demandons aux salariés qui intègrent notre entreprise de venir s'installer en Aveyron, avec nous, de façon à avoir de la proximité", détaille Valérie Hériaud-Zanon.
L'entrepreneuse arrive au salon avec cinq candidats intéressés, autrement dit, qui ont envoyé un CV et qu'elle va rencontrer. "Nous avons cinq rendez-vous de programmés demain matin au job dating, mais on espère avoir plus de candidats, puisque même si les candidats ne sont pas encore inscrits, ils peuvent venir à tout moment, ils seront accueillis et reçus", insiste-t'elle.
"Faire venir un salarié en Aveyron, c'est bien, mais il faut se soucier d'accompagner le conjoint et se soucier des enfants aussi", poursuit Valérie Hériaud-Zanon.
"Pour revenir sur cette difficulté, sur ce déficit d'image des métiers manuels, qu'est-ce qui explique que les jeunes ne vont pas dans les formations ? Ils n'y vont pas ou on ne les pousse pas à y aller ?", questionne Stéphane Dépinoy.
"Alors, je pense très sincèrement qu'on ne pousse pas les jeunes, aujourd'hui, à aller vers des métiers manuels. Certainement, qu'à un moment donné, la profession n'a pas fait ce qu'il fallait pour attirer les jeunes, et donc, ces filières sont en train de fermer. Je prends l'exemple de notre commune, Aubin, il y avait un bac professionnel qui a fermé par manque de candidats", assure la dirigeante d'Aveyron Elec Concept. "Aujourd'hui, on va retrouver des jeunes en bac pro à Figeac, donc à 40 kilomètres, ou à Rodez, mais ce sont des sections qui sont très peu pourvues, 13 à 14 élèves par section."
"Ce qui ne suffit pas à pourvoir tous les métiers qui postent des annonces d'emploi, par exemple", souligne Stéphane Dépinoy.
"Ça ne suffit pas, c'est certain. De plus, beaucoup de jeunes vont venir dans ces bacs pro, vont poursuivre leurs études car aujourd'hui, on dit aux jeunes 'Poursuivez, poursuivez, poursuivez', donc après ils vont avoir des profils pour des bureaux d'études et non pas pour du chantier", assure Valérie Hériaud-Zanon, qui elle recrute justement pour du chantier.
"Quel message avez-vous envie de donner au ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer ? Parce qu'on a l'impression que ça ne bouge pas beaucoup ces difficultés à rendre positives les carrières manuelles", demande Stéphane Dépinoy.
"C'est sûr que ça ne bouge pas, ça ne bouge pas suffisamment", déplore la cheffe d'entreprise. "Aujourd'hui, l'éducation nationale ne nous aide pas à faire venir les jeunes dans les métiers manuels, alors qu'il y a énormément de débouchés. Mais je parle de l'électricité comme je pourrais parler de beaucoup d'autres métiers manuels, on est tous dans la même problématique, et c'est pour ça, par exemple, que demain, au Salon de l'Aveyron, lors du job dating, nous arrivons avec 300 offres d'emploi à pourvoir."
L'an dernier, les deux candidatures reçues lors du job dating n'ont, malheureusement, pas abouti. "Cette année, on espère vraiment repartir avec les cinq candidats car on a du travail pour de nombreuses personnes en Aveyron.", conclut Valérie Hériaud-Zanon, dirigeante d'Aveyron Elec Concept.
L'interview s'est achevée sur "Nos belles heures" de La Deryves.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.