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Seuil de non-consentement à 18 ans pour l'inceste : "On ne veut plus entendre qu'il y aurait des incestes heureux", lance Laurence Rossignol

La sénatrice PS de l'Oise estime "que l'emprise peut s'exercer au-delà de 15 ans, encore plus fortement en matière d'inceste." Elle avait déposé un amendement en ce sens et se réjouit que le ministre de la Justice y soit favorable.

Article rédigé par franceinfo
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Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat et sénatrice PS de l'Oise, invitée du 18H50 franceinfo, lundi 15 février 2021. (FRANCEINFO)

"On ne veut plus entendre ce qu'on a déjà entendu dans les cours d'assises, c'est à dire l'idée qu'il y aurait des incestes heureux", réagit lundi 15 février sur franceinfo Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat, sénatrice PS de l’Oise. Elle défend l'instauration d'un seuil de non-consentement à 18 ans pour l'inceste, mesure à laquelle le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, a apporté son soutient dimanche. Cinq jours plus tôt, le gouvernement s'était dit "favorable" à ce que tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans constitue désormais automatiquement un crime.

"L'emprise peut s'exercer au delà de 15 ans"

L'ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes ne veut plus entendre non plus "qu'il y aurait des jeunes filles ou des jeunes garçons consentants parce qu'ils auraient 16 ou 17 ans, des grands adolescents, qu'ils seraient consentants. On ne veut plus entendre ça". Avec d'autres sénatrices, Laurence Rossignol pense "que l'emprise peut s'exercer au-delà de 15 ans, encore plus fortement en matière d'inceste. Donc, on propose effectivement un seuil de 18 ans".

La vice-présidente du Sénat a déposé un amendement en ce sens. Elle se "réjouit" de voir que le garde des Sceaux "était prêt à se rallier" à cet amendement qui avait été "refusé", selon elle. Laurence Rossignol se félicite aussi de la volonté d'Éric Dupont-Moretti de mettre en place une imprescriptibilité graduée pour les crimes sexuels sur mineurs. "C'est un amendement que j'avais déposé au Sénat avec ma collègue Marie-Pierre de la Gontrie", indique la sénatrice socialiste.

Après l'omerta de l'Eglise, l'omerta de la famille

Dans le texte, "il y est question d'une prescription glissante, c'est-à-dire que l'action d'une victime non-prescrite suspendrait les délais de prescription pour une autre victime". Mais Laurence Rossignol pointe une "incertitude juridique" "Entre suspendre la prescription et la rouvrir, il y a une marge." La sénatrice de l'Oise souhaiterait que l'on puisse rouvrir les dossiers de prescriptions, "parce que c'est très dur pour une victime de voir que les autres victimes qui n'étaient pas prescrites sont parties civiles alors qu'elles, parce qu'elles sont prescrites, ne peuvent pas être partie civile". Mais elle admet que "les choses avancent et avancent bien".

Laurence Rossignol tient à rendre hommage aux féministes, trop souvent malmenées selon elle.

"En matière de violences sexuelles sur les enfants, notre société ouvre les yeux et avance. Tout ça, on le doit beaucoup aux féministes. Ce sont elles qui ont ouvert la brèche."

Laurence Rossignol

à franceinfo

L'ancienne ministre salue par ailleurs la prise de parole de Coline Berry et Camille Kouchner, et leurs dépôts de plainte. "C'est un long, patient, obstiné travail des victimes et des associations qui nous conduit là où on est aujourd'hui, explique-t-elle. N'oublions pas qu'avant d'être entendues, les victimes ont parlé dans le vide. Elle parlait déjà, mais on ne les écoutait pas et on ne voulait surtout pas qu'elles viennent déranger un ordre bien établi."

Laurence Rossignol fait le parallèle avec "les victimes de l'Eglise". Selon elle, "cela a commencé par elles". Mais "progressivement, l'Eglise a changé de braquet puisque elle a nommé une commission, elle a reconnu que tous ces actes avait existé alors qu'il y avait une omerta terrible". La sénatrice de l'Oise estime qu'après "l'institution de l'Eglise", c'est une "deuxième institution qui est en cause : la famille". Selon elle, les deux institutions "ont bénéficié de la même omerta. Et ce n'est pas tant les auteurs en tant que personnes qui étaient protégés, c'est l'institution".

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