Mobilisation, retraites et partage des richesses dans les entreprises... ce qu'il faut retenir de l'interview de Laurent Berger
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT était l'invité du "8h30 franceinfo", vendredi 10 février 2023. Mobilisation, retraites et partage des richesses dans les entreprises... Il répondait aux questions de Lorrain Sénéchal et Neila Latrous.
"Dépasser le million de manifestants samedi serait un beau succès"
"Dépasser le million de manifestants samedi serait un beau succès", espère Laurent Berger, à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Le secrétaire général de la CFDT indique que "250 rassemblements" sont prévus à travers tout le pays. Il rappelle que l'intersyndicale a "fait exprès" de ne pas lancer d'appel à la grève samedi afin "que les gens puissent se rendre en transports en commun aux manifestations". De la même manière, cette quatrième journée de mobilisation a été choisie durant un week-end pour "permettre à tous ceux qui n'ont pas pu manifester pour des raisons de salaire" de pouvoir descendre dans la rue sans perdre une journée de salaire.
Or, si ces "mobilisations sont les plus fortes depuis les années 90", Laurent Berger "a le sentiment", notamment en écoutant les membres du gouvernement, "que tout cela n'existe pas". Pour démontrer ce manque d'attention de la part de l'exécutif, le patron de la CFDT évoque les mobilisations des "gilets jaunes". Il considère qu'à cette époque, le gouvernement a octroyé "des aides sociales parce qu'il y a eu beaucoup de violences et de saccages". Laurent Berger s'adresse donc au gouvernement, estimant que celui-ci ne peut pas "avoir entendu des revendications portées parce qu'il y avait beaucoup de violences et quand il y a quatre fois plus de personnes qui sont dans la rue considérer que puisqu'ils sont pacifiques et sages on ne s'en occupe pas".
"Une forme de mépris" de la part du gouvernement
Laurent Berger dénonce "une forme de mépris" de la part du gouvernement à l'égard des manifestants contre la réforme des retraites. Le secrétaire général de la CFDT se désole qu'il n'y ait "pas eu de réponse pour l'instant aux mobilisations", alors que les trois premières manifestations ont regroupé, selon les syndicats "plus d'un million de personnes". Laurent Berger dénonce tout particulièrement les propos tenus par Emmanuel Macron dans la nuit de jeudi à vendredi. Le chef de l'État appelait les syndicats à ne pas bloquer "la vie du reste du pays". Laurent Berger qualifie cet appel "d'anachronique", expliquant par ailleurs que samedi "le pays ne sera pas bloqué", puisque l'intersyndicale n'a pas appelé à la grève dans les transports. "Bordel, on n'est pas responsables ?", s'irrite le patron de la CFDT. Il en appelle plutôt à "la responsabilité du gouvernement", afin que celui-ci prenne "en compte le monde du travail, qui exprime un profond rejet des 64 ans".
"Ce serait bien que le Parlement devienne autre chose qu'un champ de foire"
Alors que les débats à l'Assemblée nationale sur la réforme des retraites se concentrent toujours sur le premier article du texte, le secrétaire général de la CFDT "demande au Parlement de faire son travail d'examiner le texte et au gouvernement de ne pas jouer seulement la montre". Laurent Berger pointe du doigt les nombreuses agitations qui ont secoué l'hémicycle depuis le début de la semaine et qui ne sont pas, selon lui, "à la hauteur de la façon dont on se mobilise" : "Ce serait bien que le Parlement devienne autre chose qu'une espèce de champ de foire où on s'invective les uns les autres", lance-t-il. Il ne vise aucun parti en particulier, estimant que "la faute [revient] à tout le monde", mais appelle les parlementaires à avancer, et à débattre notamment "de l'article 7, qui prévoit le report de l'âge légal de 62 à 64 ans".
"Ce qui est recherché, c'est un deal politique et pas un compromis social"
Le patron de la CFDT s'agace par ailleurs de n'avoir "aucun contact avec un quelconque conseiller social de l'Élysée" depuis le début de la mobilisation, alors que le président des LR, Éric Ciotti, et le président des députés LR, Olivier Marleix ont été reçus à Matignon. "Ce qui est recherché, c'est un deal politique et pas un compromis social", dénonce-t-il. Laurent Berger craint que cela provoque "une forme de désespérance sociale" chez les travailleurs. Il redoute que ce manque d'écoute pousse les "gens soit à se replier sur eux-mêmes, soit à avoir recours à des actions chocs ou à de la violence, soit à confier par leur prochain bulletin de vote une responsabilité de ce pays à l'extrême droite".
Profits: "dès qu'il y a de la richesse créée, il faut que ce soit réparti" avec les salariés
"Dès qu'il y a de la richesse créée" au sein d'une entreprise, "il faut que ce soit réparti" avec les salariés, plaide le secrétaire général de la CFDT. Laurent Berger estime que ce partage des richesses peut "prendre des formes diverses en fonction de la réalité de l'entreprise", mais qu'elle doit concerner à la fois les grandes entreprises que celles "de taille intermédiaire ou les petites entreprises, où les salariés sont très souvent les grands oubliés de la répartition de la valeur créée". Selon Laurent Berger, alors que "83% des salariés des grandes entreprises ont dispositif d'intéressement" ou d'épargne salariale, ils ne sont que "17% dans les petites entreprises". Il appelle également à s'interroger sur la participation des groupes "aux biens communs", comme "l'éducation, la santé ou la transition écologique à travers la taxation du capital". "Il y a trop de rémunérations du capital, et pas assez de contribution du capital aux biens communs à travers la fiscalité", se désole Laurent Berger qui plaide pour que les dividendes soient taxés "au même niveau que les revenus du travail".
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