Santé : l’intelligence artificielle "peut alléger le travail technique du médecin", explique le professeur Jean-Emmanuel Bibault
Jean-Emmanuel Bibault, oncologue, radiothérapeute à l'hôpital européen Georges Pompidou et chercheur en intelligence artificielle à l'Inserm était l'invité du "8h30 franceinfo", samedi 4 février 2024. Lutte contre le cancer, questions éthiques, place du médecin face à l'intelligence artificielle... Il répondait aux questions de Neila Latrous et Lorrain Sénéchal.
"Alléger le travail technique d'un médecin"
L'intelligence artificielle "peut alléger le travail technique d'un médecin qui aura donc plus de temps pour l'humain", explique le professeur Jean-Emmanuel Bibault. Dans son ouvrage "2041 : l'Odyssée de la médecine" (éditions des Equateurs), cet oncologue développe les avancées que permet l'intelligence artificielle en médecine et notamment dans la lutte contre le cancer. Il raconte comment l'intelligence artificielle peut faire gagner du temps dans le ciblage du cancer de la prostate sur un scanner : "Ça peut prendre plusieurs heures manuellement parce qu'il faut contourner chacune des centaines de coupes, alors qu'une intelligence artificielle le fait en deux ou trois minutes", analyse-t-il. Ce gain de temps permet donc, selon Jean-Emmanuel Bibault, au médecin de passer plus de temps auprès du patient.
Un outil dans la prédiction
Cet outil peut aussi être utilisé "en radiologie ou dans l'analyse de biopsie de tumeur". Certes sur ces points, "l'humain peut le faire, mais peut-être un peu moins vite, et dans certains cas peut-être un peu moins bien", constate Jean-Emmanuel Bibault. L'intelligence artificielle peut servir dans la prédiction, elle peut permettre par exemple de "savoir dix ans à l'avance si vous allez développer une maladie ou alors si vous allez être guéri d'une maladie", note le cancérologue. Jean-Emmanuel Bibault assure qu'il existe en parallèle un principe "de garantie humaine", qui prévoit "qu'après chaque diagnostic fait par une intelligence artificielle, il y ait toujours un médecin derrière pour le valider". Mais, l'oncologue apporte quelques nuances, car cette garantie ne peut pas être mise en place quand il s'agit "de choses que l'humain ne sait pas faire".
Ce n'est pas "une forme de magie"
Jean-Emmanuel Bibault évoque d'autres applications concrètes de l'intelligence artificielle, comme en psychiatrie. Il met en avant les recherches menées par des scientifiques qui "ont essayé de voir si on pouvait prédire le risque suicidaire simplement à partir des publications Facebook". Cette recherche a notamment permis au réseau social "d'implémenter des algorithmes qui peuvent lancer des alertes".
Si ces avancées semblent impressionnantes, Jean-Emmanuel Bibault appelle toutefois à la vigilance. "Il ne faut pas se précipiter sur ces outils en pensant qu'il y a une forme de magie, il y a des risques et il faut être capable de les jauger et de les évaluer", lance-t-il. Ce chercheur en intelligence artificielle appelle donc à "former les médecins aux notions d'intelligence artificielle et d'autre part les ingénieurs aux notions de santé". Car l'intelligence artificielle ne remplace "absolument pas" les médecins, ni les infirmiers.
Des questions éthiques
L'utilisation de l'intelligence artificielle pose également des questions éthiques, notamment en termes de "secret médical", prévient le cancérologue. Les données en médecine étant "très sensibles", Jean-Emmanuel Bibault estime qu'il faut trouver un "équilibre entre trop protéger ces données mais freiner l'innovation ou alors de ne pas assez les protéger, libérer l'innovation mais au prix de la vie privée". Le radiothérapeute reconnaît qu'il est compliqué de trouver "la bonne balance entre les deux". Il salue le rôle, en Europe, du règlement général sur la protection des données (RGPD). Il dresse un parallèle avec la Chine "où il y a très peu de règles et où les avancées en intelligence artificielle sont très rapides". Jean-Emmanuel Bibault considère qu'il faut aussi mener une réflexion "sur la réutilisation de données rétrospectives" : "On pourrait réutiliser les données des soins déjà faits non pas pour refaire du soin, mais pour essayer de comprendre certaines choses", explique-t-il.
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Retrouvez l'intégralité du "8h30 franceinfo" du samedi 4 février 2023 :
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