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"OK Joe" de Louis Guilloux

En août 1944, la Bretagne vient d’être libérée. Louis Guilloux est enrôlé par l’armée américaine en qualité d’interprète pour participer aux enquêtes, puis aux jugements de G. I., accusés le plus souvent d’avoir violé des paysannes. 

Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La sélection de Gilbert Chevalier. (DANIEL GRIZELJ / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

OK Joe publié chez Folio nous emmène en Bretagne, on est en 1944, l’écrivain Louis Guilloux est alors interprète auprès des tribunaux militaires de l'armée américaine dans une Bretagne fraîchement libérée.       

Louis Guilloux accompagne deux officiers américains qui enquêtent le plus souvent sur des viols, des meurtres, commis par des soldats américains sur la population civile. Des crimes qui, le plus souvent, aboutissent à la peine de mort des auteurs. Et ces auteurs, constate Louis Guilloux, sont toujours des noirs. Ce qui ne manque pas d’interroger l'inteprète, qui commence à trouver sa situation très inconfortable moralement.   

Et cette armée américaine, relax, très décontractée dans ses codes et relations hiérarchiques, généreuse avec les populations qu’elle rencontre, cette armée bien équipée, bien habillée, civilisée, n’est évidemment que le reflet de ce qu’est la société américaine, raciste et impitoyable avec les noirs. Et l’immense talent de Louis Guilloux est de mettre tout ça en évidence, par petites touches, scène après scène, avec beaucoup de subtilité et de nuance. Son regard est périphérique, sur ce moment particulier de l’histoire. Louis Guilloux signe un livre brillant.     

Pas étonnant que cette nouvelle édition chez Folio s’accompagne d’une préface de l'écrivain, scénartiste et cinéaste Eric Vuillard. Un peu comme s’il revendiquait une sorte de filiation entre ses livres et celui-ci, de Louis Guilloux qui a écrit ce livre en 1977, c’est-à-dire plus de 30 ans après la période décrite dans OK Joe. C’est dire si la maturation de ce récit a été très longue, voire douloureuse pour Louis Guilloux.       

Et avec ce court récit, Louis Guilloux rejoint ces auteurs rares qui ont écrit sur la libération de la France. Ceux qui ont retenu l’envers du décor, ou ce que l'histoire a hésité longtemps à étudier. Écrivains trop rares. Et on pense évidemment à Jean Meckert de Nous avions Les Mains Rouges, Marcel Aymé d'Uranus ou  Frédéric Dard, de La Crève. Et cela donne envie évidement de lire d’autres romans ou récits de ce Louis Guilloux, mort en 1980.    

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