BD, bande dessinée. Le belge Hermann et l'américain Will Eisner, têtes d'affiche d'Angoulême 44
Le festival d'Angoulême célèbre le maître de la BD franco-belge, Hermann. Le Musée de la bande dessinée rend hommage au new-yorkais Will Eisner. Également à l'honneur, la scénariste française Loo Hui Phang et le dessinateur japonais Kazuo Kamimura.
Hermann, naturellement
Pour le grand public, Hermann fut et reste un maître de la BD d’aventures la plus classique. Ses histoires de cow-boys cabossés (la série Comanche) ou d’amitié virile sur les mers (la série Bernard Prince), ses plongées dans le moyen-âge des bâtisseurs de cathédrales (la série Les Tours de Bois-Maury), ses motos rugissant dans un futur peu reluisant (la série Jeremiah) vont marquer le festival d’Angoulême qui ouvre ses portes jeudi prochain. Hermann en est l’invité d’honneur, après avoir été choisi l’an dernier à l’issue du vote de la communauté des auteurs.
La grande expo qui lui sera consacrée entend dépasser cette première lecture de metteur en scène d’une nature hostile et d’une société violente. A Angoulême, l’accent sera mis sur les ambiances. Hermann fut l’un des premiers à utiliser la couleur directe pour modeler la lumière, les brumes et les brouillards. Et surtout, pour le directeur artistique du festival, Hermann et Zola, c’est le même combat.
Hermann s'intéresse aux plus pauvres, aux prostituées, aux orphelins. Il a les mêmes problématiques que les écrivains naturalistes.
Stéphane Beaujean, le directeur artistique du festival
A 78 ans, Hermann produit toujours. Il dessine désormais les scénarios de son fils Yves H. Derniers albums parus : Le Passeur chez Dupuis et Duke, une nouvelle série, au Lombard.
Will Eisner, le roman de New-York
Traversons la Charente. L’autre grande exposition de ce festival d’Angoulême rendra hommage à Will Eisner, génie de la bande dessinée américaine.
Disparue en 2005, cette figure majeure du 9e art était le dessinateur des petites gens de New-York, des juifs de Brooklyn. On lui doit aussi Le Spirit, mi-super héros, mi-détective. Inventeur du terme "roman graphique", Will Eisner aurait eu 100 ans cette année. Un artiste et une œuvre à retrouver ou à découvrir au musée de la BD d’Angoulême qui annonce "une exposition urbaine et nocturne, pleine de malfrats et de femmes vénéneuses, de nostalgie et d'humour".
Angoulême 44 va encore saluer le travail de la scénariste française Loo Hui Phang (L'odeur des garçons affamés, avec Frederik Peeters, éd. Casterman; Nuages et Pluie, avec Philippe Dupuy, éd. Futuropolis; Cent mille journées de prières, avec Michaël Sterckeman, éd. Futuropolis) et du japonais Kazuo Kamimura (Le club des divorcés, éd. Kana; Une femme de Shôwa, éd. Kana).
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Kazuo Kamimura, auteur de chroniques sociales sans concession
Kazuo Kamimura dresse aussi le portrait de la condition féminine dans un style bien à lui où il mêle élégance et absence de mouvement. Loin des codes du manga (découpage cinématographique, images en mouvement…) il impose des images fixes ou rien ne se passe ou presque. Cette manière de dessiner lui a valu le surnom de "peintre de l’ère Showa" car ses dessins font penser à l’ukiyo-e (mouvement artistique japonais de l’époque d’Edo (1603-1868) comprenant une peinture populaire et narrative originale, et surtout des estampes japonaises gravées sur bois).
Pour donner vie à ses planches, Kazuo Kamimura découpe ses pages en deux cases, quatre cases horizontales, encore trois rangées de deux cases qui se répondent. De cette façon, il donne du rythme à ses dessins et insuffle du mouvement, une dynamique, comme dans Lorsque nous vivions ensemble, où Kazuo Kamimura dessine et redessine la même image en ne changeant qu'un détail à chaque fois.
Mort à 45 ans d'un cancer au pharynx, Kazuo Kamimura commence sa carrière, en 1964, comme illustrateur dans l’agence de publicité Senkosha. C'est à cette époque qu'il rencontre Yu Aku, un célèbre auteur de chansons japonais, avec qui il va créer le manga Parada, en 1968. En 1969, il publie Kawaiko Sayuri-chan no daraku. Mais c'est avec Lorsque nous vivions ensemble, publié en 1972, qu'il connaît le succès. Cette même année il débute Lady Snowblood, dont Quentin Tarantino s'est fortement inspiré pour son film Kill Bill.
Ses mangas Maria, L’apprentie Geisha, Folles passions, La plaine du Kanto et Le club des divorcés, Lady Snowblood ont été publiés aux éditions Kana.
C'est la première fois que l'art de cet auteur et illustrateur culte des années 1970 est honoré en France.
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