États-Unis : avec la réussite de la greffe d'un rein de porc sur un humain, un horizon s'ouvre pour les firmes de biotechnologie

C'est une première mondiale. Cette semaine, une équipe de médecins de Boston a annoncé la réussite d'une greffe de rein de porc génétiquement modifié sur un humain. Cette étape suscite beaucoup d'espoir et renforce la recherche autour des modifications du génome.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Illustration sur la xénotransplantation, ou xénogreffe. (BSIP / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL/via GETTY)

Le patient est un homme de 62 ans, et il se porte bien. En août 2023, une équipe de chercheurs américaine avait réussi à transplanter le rein d’un porc à un humain en état de mort cérébrale, sans que le corps du receveur ne rejette l'organe. Cette fois-ci, il s'agit de la première greffe d'un rein de porc sur un patient conscient. Une équipe de médecins de Boston a annoncé la réussite de l'opération jeudi 21 mars 2024

Le système immunitaire du patient n’a pas l’air de rejeter la greffe. Avec une pression sanguine stable, Richard Slayman pourrait même sortir assez vite de l’hôpital Massachusetts General et retourner chez lui, à Weymouth, ville du sud de Boston. Il souffre d’insuffisance rénale depuis longtemps. Atteint d’hypertension et de diabète type 2, il a subi sept ans de dialyse avant une greffe de rein en 2018. Mais l’organe a fini par faillir l’an dernier et depuis, Richard Slayman a dû repasser par l’épreuve toujours difficile des dialyses. Il a accepté de recevoir cette greffe particulière, en étant bien sûr informé des risques. "Je l’ai vue comme un moyen de m’aider mais aussi de donner l’espoir aux milliers de personnes qui ont besoin d’une greffe pour survivre", a-t-il déclaré dans un communiqué. L’opération a eu lieu la semaine dernière et le rein produirait déjà de l’urine.

Quelque 69 gènes modifiés chez le porc donneur

La FDA, l’agence américaine du médicament, a autorisé l'intervention via un programme dit "de compassion" pour des patients dans un état désespéré. Les chirurgiens ont travaillé pendant quatre heures pour attacher ce rein de porc à l’urètre. C’est un rein d’à peu près la même taille que celui d’un humain, mais il est génétiquement modifié. Il vient d’un porc élevé par une société du Massachussetts appelée eGenesis. Il y a en tout 69 gènes modifiés pour augmenter le plus possible les chances de compatibilité : dix gènes modifiés pour limiter le risque de rejet et le reste pour tenter d’éviter une infection liée à un virus. En 2022, un homme qui a reçu le premier cœur de porc génétiquement modifié est mort rapidement après l'opération, probablement à cause d’un virus.

Si l’intervention n’a duré que quatre heures, son succès est le résultat de cinq ans de travail à l’hôpital et à eGenesis. Mais c’est aussi, dit l’un des chirurgiens, "le point culminant des efforts de milliers de scientifiques sur plusieurs décennies".

Une étape importante pour la médecine

Cette réussite est importante pour les médecins de l’hôpital Massachusetts General. Des greffes du genre avaient déjà été testées sur des singes ou sur des humains en état de mort cérébrale. Avec cette réussite sur une personne consciente comme Richard Slayman, les dialyses, qui concernent dans le pays des centaines de milliers d’Américains, deviendront peut-être un jour obsolète.

Le potentiel de "l’édition génomique", la manipulation du génome, suscite beaucoup d’espoirs en même temps qu’elle attise les ambitions des firmes de biotechnologie, comme eGenesis. Rien qu’aux États-Unis, plus de 100 000 patients attendent une greffe et 17 personnes par jour meurent parce qu’elles n’en reçoivent pas à temps. En revanche, reste l’inquiétude majeure de voir des virus qui pourraient passer des animaux aux humains. Et d’un point de vue éthique, se pose aussi la question d’animaux qu’on élèverait uniquement pour fournir des organes aux êtres humains.

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