Greffe d'un rein de porc sur un homme : "C'est indiscutablement un espoir", estime un expert de la greffe
"C'est indiscutablement un espoir", estime le Pr Olivier Bastien, expert de la greffe, ancien directeur de l'activité de prélèvement et de greffes d'organes et de tissus en France à l'Agence de la biomédecine, sur franceinfo jeudi 17 août, après la greffe d'un rein de porc génétiquement modifié sur un humain en état de mort cérébrale aux Etats-Unis. Cette greffe continue à fonctionner depuis 32 jours, ce qui est un record, a annoncé mercredi une équipe de scientifiques basée à New-York.
franceinfo : Ces xénogreffes sont-elles un espoir pour l'avenir ?
Pr Olivier Bastien : C'est indiscutablement un espoir. Tous les transplanteurs se sont remis. Il y a eu des barrières, en particulier liées à l'encéphalopathie bovine, qui avaient freiné toutes ces recherches. Actuellement, ces programmes redémarrent dans les sociétés les plus développées, notamment la France et les Etats-Unis. Il y aura probablement un programme au niveau européen parce que ça nécessite des gros moyens financiers.
Ce rein de porc est greffé sur un homme en état de mort cérébrale. Est-ce que ça pourrait fonctionner sur un homme qui a toutes ses capacités ?
C'était une étape qui avait été demandée avant de prendre un risque. Au niveau du rein, les patients ne vont pas décéder, donc il ne faut pas leur faire courir un risque qui pourrait être un risque supérieur aux bénéfices attendus. Il y a différentes étapes. La FDA (Food and Drugs Administration, institution américaine chargée de la surveillance des denrées alimentaires et des médicaments) a aussi autorisé des programmes de recherche clinique sur les îlots de pancréas pour pouvoir traiter des diabétiques graves qui échappent au traitement. C'est aussi un immense espoir. Il y a aussi des programmes sur la cornée.
Dans les années 1960-1980, on a greffé des reins ou un cœur de singe à des patients sans vrai succès. Quels sont les animaux avec lesquels nous sommes le plus compatibles aujourd'hui ?
Il y a l'aspect compatibilité, puis il y a l'aspect anatomique (taille et forme). Pour le porc, au niveau cardiaque et au niveau rénal, les organes sont très proches d'un organe humain, donc la problématique est essentiellement un problème immunologique, un problème de rejet. Après, il y a des différences. La cornée du porc est plus épaisse que la cornée humaine, mais on peut la modifier chirurgicalement de façon à ce qu'elle soit utilisable pour l'homme. Pour les grands singes, bien sûr, il y a encore une plus grande proximité, mais il y aura des blocages éthiques. Il n'est pas possible de produire à grande échelle des animaux comme ça.
Pourquoi ce n'est pas encore autorisé en France ?
La loi ne l'a pas complètement prévu, mais l'Agence de la biomédecine avait déjà anticipé depuis au moins cinq ans cette possibilité. Et d'ailleurs, les prochaines journées de l'Agence de la biomédecine consacrent une session entière sur la xénogreffe. Ce n'est pas passé dans la dernière loi de bioéthique, mais je pense que ce n'est pas un problème éthique en soi. C'est plus un problème de recherche fondamentale et de développement d'un énorme programme de biotechnologies, comme l'ont fait les Américains. Et ça, c'est probablement au niveau européen que ça se fera.
Est-ce qu'il y a encore un frein à l'autorisation des xénogreffes ?
Il y a aussi un problème d'acceptation de la société. Il faut en parler. Il faut que les patients et la société au sens large acceptent pour bien comprendre que ce n'est pas un OGM au sens classique du terme. Là, on est sur quelque chose de très différent avec uniquement certains gènes qui impliquent le rejet, qui ont été modifiés. Ces animaux ne pourront pas se reproduire, ne sont pas destinés à la consommation. Il faut un programme de communication à large échelle.
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