États-Unis : un enfant sourd a retrouvé l'ouïe grâce à la thérapie génique

Pour la première fois, un enfant de 11 ans, qui souffrait de surdité congénitale a pu "entendre" après une thérapie génique. Le miracle a eu lieu dans un hôpital de Philadelphie, aux États-Unis.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'équipe de l'hôpital pour enfants de Philadelphie avec Aissam Dam et son père, le 23 janvier 2024. (HANDOUT / CHILDREN'S HOSPITAL OF PHILADELP)

Aissam Dam, 11 ans, souffrait d'une surdité profonde congénitale, comme près de 20 millions d’enfants à travers le monde. Dans son cas, la cause est une mutation rare du gène de l’otoferline, qui intervient dans la transformation des vibrations sonores en informations chimiques destinées au cerveau. Cette mutation ne concerne que 200 000 personnes et rendait donc Aissam relativement précieux pour la recherche.

Cet enfant a été soigné grâce à la thérapie génique, a annoncé le 23 janvier 2024 l'Hôpital pour enfants de Philadelphie, aux États-Unis. Cette technique qui permet de travailler dans une cellule cible directement au niveau du gène, soit en le modifiant, soit en important une copie de gène fonctionnel, pour remplacer celui qui pose problème. L’opération a eu lieu cet automne et les résultats encourageants de l’intervention ont été communiqués en cette fin de janvier 2024. 

Actuellement, 150 gènes différents peuvent causer une perte auditive chez l'enfant. Depuis la découverte en 1999 du gène de l’otoferline, l'institut Pasteur mène des recherches et est même parvenu à rendre l'ouïe à une souris en 2019. Mais c'est dans un hôpital de Philadelphie que pour la première fois ces recherches aboutissent pour un patient humain.

Désormais, le bruit qu'il préfère est celui "des gens"

L'enfant, né au Maroc, n’a pas pu apprendre le langage des signes, car il a grandi dans un milieu pauvre, sans école. Alors il a inventé son propre langage jusqu’à ce que ses parents émigrent à Barcelone, il y a trois ans. Là-bas, Aissam a appris le langage des signes et un docteur a parlé de la thérapie génique en expliquant aux parents que leur enfant était éligible pour un essai clinique aux États-Unis. Son père l'a donc accompagné à Philadelphie, aux frais du laboratoire travaillant sur cette thérapie. Ils y ont passé plusieurs mois et l’enfant a été traité le 4 octobre 2023. Il raconte au New York Times que le bruit lui faisait peur au début mais que maintenant, "il n’y a aucun son" qu’il n’aime pas, même celui des ciseaux ou d’un ascenseur. Et ce qu’il préfère entendre, dit-il, ce sont "les gens"

Les médecins n’étaient pas sûrs que l’intervention allait marcher. Sur le papier, c’est assez simple : remplacer le gène qui pose problème par un autre. Évidemment, la réalité est nettement plus complexe et c’est pour cela qu’il a fallu 20 ans de recherches. Comme le gène muté ne produit pas la protéine qui permet de transmettre les sons vers le cerveau, il a fallu injecter dans une partie de l’oreille, appelée cochlée, un virus transportant un gène fonctionnel. Puis il a fallu lui laisser le temps de produire la protéine nécessaire. Et aujourd’hui, Aissam entend presque parfaitement.

D'autres essais cliniques dans le monde

C’est un essai clinique, donc on est encore loin de traiter tous les patients souffrant de ce type de surdité. Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, rappelle, le New York Times, une partie des sourds estiment qu’ils n’ont pas besoin d’être "guéris" de quoi que ce soit. Alors faut-il donner la priorité des recherches en thérapie génique à ce type de soins plutôt qu’à des cas plus considérés plus graves ? Ensuite, beaucoup d’enfants qui naissent avec ce type de surdité, en tout cas dans les pays riches, reçoivent un implant dans la cochlée pour les aider à entendre des sons. Mais si cet implant est posé, la thérapie génique ne fonctionne plus. Autre problème, comme dans le cas d'Aissam, il ne pourra peut-être jamais parler. En effet, rapporte le New York Times, vers l'âge cinq ans, la fenêtre d’intégration du langage parlé dans le cerveau se referme.

En tout cas, d’autres essais cliniques sont en cours, en Chine, où quatre enfants ont également été traités, mais aussi en France, où un programme vient tout juste d'être lancé, avec l'Institut Pasteur et l'hôpital Necker.

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