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C'est dans ma tête. Jacques Chirac : le temps du deuil

Claude Halmos nous explique pourquoi l’émotion nous étreint, chaque fois qu’un personnage de l’Histoire contemporaine disparaît. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Jacques Chirac au Salon de l'agriculture à Paris, le 25 février 2005. (MAXPPP)

Les raisons de cette émotion sont particulières à chacun. Mais on retrouve néanmoins, de façon générale, deux d’entre elles. Et elles tiennent, d’une part au fait que nous avons tous un lien imaginaire, et très personnel, aux personnages de notre Histoire contemporaine. Et, d’autre part, au fait qu’ils jouent un rôle dans la façon dont nous vivons, comme toute la population du pays qui est le nôtre, notre appartenance à ce pays.     

Quel est ce rôle ?    

Un dirigeant politique, reconnu comme tel par les citoyens d’un pays, est quelqu’un dont l’existence, la présence, et les liens qu’ils ont à lui, permettent aux citoyens de ce pays, de se sentir liés entre eux. De prendre conscience qu’ils forment un groupe, une entité, une nation. C’est parce que l’on se reconnaît dans un leader, que l’on peut se sentir membres du même ensemble que tous ceux qui se reconnaissent en lui ; et donc liés à eux. On éprouve donc, lorsqu’il disparaît, un sentiment de perte, et de solitude. Une solitude qui est double. Parce qu’elle est liée à la fois au manque créé par sa disparition. Et au fait que l’on se sent tout à coup, parce qu’il n’est plus là pour faire lien, moins lié aux autres membres du groupe.        

Vous disiez qu’il y a aussi un lien imaginaire au dirigeant politique ?        

Oui. Et ce n’est souvent que dans l’après-coup de sa mort, que l’on en prend conscience. Le lien dont il s’agit est, je le répète, imaginaire (c’est à dire différent de la place réelle qu’il peut occuper dans la vie de quelqu’un qui adhère à ses idées, et milite avec lui). Et qui est moins lié à la réalité de sa personne -que l’on ne connaît pas-  qu’à ce que l’on peut projeter sur lui, à partir du peu que l’on en sait.

Ce lien tient à plusieurs choses : au fait qu’un dirigeant est toujours perçu comme une figure un peu parentale, qui "commande" les autres, comme disent les enfants ; et qui en a la charge. Au fait aussi qu’il accompagne (surtout quand reste longtemps en exercice) des pans entiers de la vie des citoyens. Ils grandissent avec lui, ils vieillissent avec lui. Et l’évocation de certains moments de son parcours politique fait écho au souvenir de certaines étapes de leurs vies personnelles : il a été élu à tel poste, au moment où tel enfant est né, par exemple. Il reste donc associé, dans l’imaginaire familial, à l’évènement. Et l’on n’en ressent que plus fortement sa disparition.

Et puis, bien sûr, le lien, sa nature et son importance dépendent de la personnalité du dirigeant politique. Ou, du moins, de ce qu’il en a montré.

Et dans le cas de Jacques Chirac ?    

Dans son cas –on s’en rend compte en écoutant les déclarations-  la dimension charnelle du personnage est d’une très grande importance (on souligne qu’il aimait la nourriture, la campagne, les animaux). Et cette dimension charnelle génère un lien qui est, lui aussi, très charnel, très incarné. On a l’impression que la solennité de ses différentes fonctions n’empêchait pas l’accès à l’homme, qui semblait humain, et proche. Même quand il manifestait, dans le domaine de la culture, des goûts comme celui pour les Arts Premiers, par exemple, qui auraient pu, à notre époque, être jugés "élitistes". Or, ce n’est pas le cas. On met en avant ses passions, et son amour de la vie ; et cela contribue à lui donner une image humaine. Mais il est intéressant de souligner qu’il en va du deuil des hommes politiques, comme de n’importe quel autre deuil : le premier temps est toujours celui de l’émotion, et de l’idéalisation. On oublie ce que l’on pouvait reprocher au défunt, pour ne se souvenir que de ce que l’on aimait. Et c’est dans cette première phase du deuil que nous sommes aujourd’hui…                    

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