Cet article date de plus de sept ans.

C'est dans ma tête. Les faux souvenirs induits

Que sont les faux-souvenirs induits, en thérapie ? 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les faux souvenirs induits (GARY WATERS / IKON IMAGES / GETTY IMAGES)

Une kinésithérapeute a été condamnée parce qu’elle induisait de faux souvenirs chez ses patients, pour les isoler de leur famille et s’approprier leurs biens.
 Au-delà de ce cas particulier, la psychanalyste Claude Halmos explique aujourd'hui comment il est possible d’induire, chez quelqu’un, de faux souvenirs. 

Il faut distinguer deux choses 

D’une part les faux souvenirs qui sont la conséquence d’une escroquerie consciente et organisée. Et, d’autre part, les dérapages thérapeutiques qui, sans que le thérapeute l’ait voulu, peuvent mener un patient à croire vrais des faits de son histoire qui ne le sont pas.

Commençons par l’escroquerie. Comment est-elle possible ?

Pour qu’elle soit possible, il faut d’abord qu’il y ait, comme pour toute escroquerie, un escroc. Il peut s’agir d’un "psy" mais aussi de n’importe quel soignant ou de n’importe quelle personne mal intentionnée qui, pour manipuler une personne fragile et s’approprier ses biens, va essayer d’installer avec elle une relation d’emprise. Ce qui suppose évidemment de la couper, en les calomniant, de tous ceux qui pourraient la protéger de cette emprise.

Et puis bien sûr, toujours comme pour n’importe quelle escroquerie, il faut aussi une victime. C’est à dire une personne suffisamment en détresse pour se livrer,  les yeux fermés, à quelqu’un qui prétend l’aider.

Comment l’escroc procède-t-il pour installer son emprise ?

Il se sert de ce que la théorie analytique nomme le "transfert". Le "transfert", c’est le fait de supposer un savoir à un autre et de lui faire confiance à cause de ce savoir. Cette confiance est la base de toute relation de soins : si on accepte une opération, c’est parce que l’on fait confiance au chirurgien. Elle est donc très utile mais elle peut aussi être dangereuse puisqu’elle donne un pouvoir au soignant.

Dans le cas d’une escroquerie, l’escroc abuse de ce pouvoir. Et il le fait en général avec des victimes que leur histoire a fragilisées en les rendant particulièrement crédules. C’est pour cela d’ailleurs qu’il est si important d’apprendre à tous les enfants à réfléchir et à développer leur sens critique.

Il  peut y avoir aussi, sans escroquerie, des dérapages thérapeutiques ?

Oui. Des faux souvenirs peuvent surgir, dans une thérapie, sans qu’ils soient manipulés par le thérapeute. Il est fréquent par exemple que, surtout en début de thérapie ou d’analyse, des patients, qui cherchent à comprendre pourquoi ils vont si mal et depuis si longtemps, émettent l’hypothèse qu’ils ont peut-être été maltraités (frappés, abusés…) dans leur enfance par leurs parents ou par des proches.

Cela peut être vrai. Mais cela peut aussi ne pas l’être. C’est à dire qu’il peut s’agir d’un fantasme. C’est d’ailleurs en se rendant compte que certaines de ses patientes, qui disaient avoir été abusées par leur père, n’avaient pas pu l’être, que Freud a découvert le fantasme.

Et puis cela peut être encore plus compliqué encore, parce qu’un patient peut être habité par l’idée de sévices réels, qu’il n’a pas subis, lui. Mais que son père, sa mère ou des ascendants ont subis et qui n’ont jamais été dits. C’est une sorte de mémoire familiale fantôme qui hante les membres de la famille.

Que doit faire le thérapeute alors ?

Face à ce genre d’hypothèses, il doit toujours être très prudent. Il doit prévenir son patient que ce qu’il dit est important mais qu’il ne s’agit en aucun cas de conclure. Et que l’on va travailler pour savoir de quoi il s’agit. En matière de maltraitance, on navigue toujours entre deux écueils : ne pas croire à la réalité des faits ou croire trop vite à cette réalité

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.