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C'est dans ma tête. Les Harkis ou le poids de l’Histoire dans les têtes

La journée nationale d’hommage aux Harkis, mardi dernier 25 septembre, a également été consacrée aux membres des autres formations supplétives. Une reconnaissance officielle qui "nomme" l'origine des souffrances.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, lors d'une cérémonie d'hommage aux harkis, le 25 septembre 2018, aux Invalides, à Paris. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

La journée nationale d’hommage aux Harkis et aux membres des autres formations supplétives a eu lieu mardi dernier, 25 septembre. Elle constitue une reconnaissance officielle du rôle qu’ont joué ces formations, et à ce titre, elle est importante. La psychanalyste Claude Halmos souligne que cette initiative peut avoir un réel impact psychologique sur les membres de ces formations.   

Je pense que, même si elle est loin de pouvoir compenser les dommages subis par ces combattants, elle peut avoir un impact psychologique, sur eux, sur leurs familles et surtout sur leur descendance.    

En quoi cette reconnaissance peut-elle avoir un tel impact psychologique ? 

L’histoire personnelle de chaque personne, qui conditionne son équilibre psychologique, est faite de tout ce qu’elle a vécu, depuis qu’elle est née, dans sa vie privée, et dans sa vie sociale. Mais elle est faite aussi de ce que lui ont fait vivre les conditions historiques dans lesquelles ces vies se sont déroulées.  

Un combattant harki par exemple a pu avoir, du fait de sa vie familiale et professionnelle, une plus ou moins bonne image de lui-même, et une plus ou moins grande confiance en lui. Mais il a, en plus, vécu une guerre, durant laquelle il a fait des choix qui l’ont conduit à être à la fois rejeté par un camp, et traité par l’autre d’une façon qui a été, le plus souvent, inhumaine.  

Il a donc éprouvé, du fait de cette guerre, des sentiments d’humiliation, de dévalorisation, de rejet, qui l’ont marqué - consciemment et inconsciemment -  très profondément, et qui ont contribué à le façonner.    

Un rassemblement d'associations de harkis et fils et filles de harkis au mémorial de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), le 19 mars 2016. (MICHEL CLEMENTZ / MAXPPP)

De quelle façon ces sentiments de dévalorisation et de rejet sont-ils marquants ? 

Ces sentiments se sont noués à ce qu’il était déjà, avant cette guerre, pour former une sorte de tissage. Ce tissage a conditionné sa vie, et il s’est transmis aux générations suivantes, en les marquant à leur tour. Et c’est par rapport à ce tissage et à sa transmission que des évènements comme la journée de mardi jouent un rôle, parce qu’ils sont une reconnaissance officielle de la réalité et de la gravité des dommages subis.    

En quoi cette reconnaissance officielle est-elle importante ?  

Elle est importante parce qu’elle nomme, officiellement, l’origine des souffrances. Et c’est essentiel, parce que cela permet à quelqu’un qui souffre de dévalorisation, par exemple, de comprendre que ce n’est pas parce qu’il est le jouet de son imagination, qu’il se sent sans valeur, mais parce qu’il a été traité, dans la réalité, de façon dévalorisante (ou que ses ascendants l’ont été).  

Et ce qui est vrai pour les harkis, l’est pour toutes les personnes dont l’histoire (avec un petit H) a croisé de façon dramatique, l’Histoire (avec un grand H).

On peut vivre dans la peur parce que nos ascendants ont vécu dans la terreur d’une guerre, d’un camp, ou d’une traversée sur un bateau de migrants

Claude Halmos

On peut se sentir en permanence, coupable parce que l’on porte, sans le savoir, les fautes d’un grand père bourreau etc...  

L’Histoire (avec un grand H) n’est pas seulement le décor dans lequel se déroulent nos vies. Elle est partie prenante de ces vies, elle les marque très profondément ; et l’on peut regretter que les thérapeutes n’en tiennent pas compte plus souvent.                    

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