C'est dans ma tête. Les incivilités quotidiennes : une maladie infantile du citoyen ?
On entend cela partout : les incivilités augmentent, les trottinettes électriques effraient les plus fragiles, papiers, mégots de cigarette au sol, tri sélectif hasardeux, qu'en est-il du respect de nos lieux de vie en commun ? Pourquoi cette augmentation des incivilités ?
Des trottinettes électriques lancées à toute allure au milieu des piétons, avant d’être abandonnées n’importe où sur les trottoirs, des papiers et des mégots par terre, du plastic sur les plages, le tri sélectif des déchets, que l’on ne respecte pas. Comment expliquer ces incivilités quotidiennes, dont tout le monde se plaint, et qui, loin de s’améliorer, semblent aujourd’hui, s’aggraver ? C’est un problème que l’on a beaucoup de mal à régler, mais que l’on peut assez facilement expliquer, selon la psychanalyste Claude Halmos.
franceinfo : Comment peut-on expliquer ce problème ?
Claude Halmos : Les incivilités que vous avez citées : les trottinettes, les papiers, les mégots, renvoient à une problématique que l’on connaît, par exemple, dans les immeubles, et qui tient à la difficulté de faire comprendre aux résidents la différence entre les parties "privatives" (leurs appartements), et celles qui sont "communes" (les paliers, les halls, ou les escaliers).
Chacun a le droit de vivre comme il l’entend (et même de vider sa poubelle dans son salon, si le cœur lui en dit). Mais il n’a ce droit que chez lui, c’est-à-dire dans un espace où il ne peut gêner que lui-même. Dès qu’il pénètre dans l’espace commun, il est tenu à des règles, fondées sur le principe du : "ma liberté s’arrête où commence celle des autres", et qui s’appliquent évidemment à l’espace collectif qu’est la rue.
Pourquoi ces règles sont-elles si difficiles à respecter ?
Parce que cela suppose que l’on ait appris, dès l’enfance - parce qu’il n’est pas inné - le respect de l’autre. Et qu’on l’ait appris d’une part comme une règle essentielle à toute vie en société, avec laquelle on ne peut pas transiger. Et, d’autre part, en en comprenant le sens. C’est-à-dire en pouvant se mettre, en imagination, à la place des autres, pour réaliser le désagrément que l’on pourrait leur causer.
Or, les parents étant entretenus dans la peur de l’autorité, cette éducation n’est souvent pas faite, aujourd’hui, avec suffisamment de fermeté. Et, par ailleurs, la promotion actuelle de l’individualisme n’aide pas les adultes à se préoccuper de leurs semblables. Ils se conduisent donc, souvent, comme des enfants sans limites.
Comment expliquer que tant de gens rejettent la faute sur les municipalités, en les accusant de ne pas suffisamment faire régner l’ordre dans les villes ?
Cela relève aussi d’un certain infantilisme. Les gens qui les accusent, mettent les municipalités en position, soit de ramasser ce qu’ils ont abandonné ; à la façon dont certains adolescents laissent trainer leurs affaires en attendant que leurs parents les ramassent. Soit de faire de la répression, comme si les citoyens ne pouvaient pas se prendre en charge eux-mêmes et respecter, même en l’absence de tout gendarme, des règles pourtant élémentaires.
Vous pensez que la répression n’est pas une solution ?
En l’état actuel des choses, et pour des raisons de salubrité et de sécurité, elle est certainement inévitable. Mais elle n’a de sens que si elle est accompagnée d’un travail d’éducation, et de responsabilisation. Il faudrait enseigner, dès l’école, le bon usage des espaces collectifs et les règles du vivre ensemble. Pour que - même si c’est un peu le monde à l’envers - les enfants puissent, comme ils le font pour certains principes de l’écologie, encourager leurs parents à les respecter… ¨
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