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C'est dans ma tête. Un risque d'effondrement psy ?

Les Français ont déjà vécu deux confinements, un troisième a été jusque-là repoussé, cette semaine encore par la voix du Premier ministre, mais beaucoup redoutent qu’il ne soit inéluctable ; et de nombreuses voix s’élèvent pour dire que les Français n’en peuvent plus, qu’ils sont menacés d’un "effondrement psy". 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Se sentant menacés par un troisième confinement, les Français pourraient être nombreux à souffrir d'un "effondrement psy".  (SESAME / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Après avoir déjà vécu deux confinements, les Français craignet de devoir en vivre un troisième. Confinement déjà repoussé, mais qui, pour beaucoup, paraît inéluctable ; et de nombreuses voix s’élèvent pour dire que les Français sont menacés d’un "effondrement psy". Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos.

franceinfo : Que se passe-t-il quand les difficultés s’accumulent ? Sommes-nous vraiment menacés d’un "effondrement psy" ?        

Claude Halmos : Notre psychisme fonctionne comme notre colonne vertébrale : s’il doit porter trop longtemps des charges trop lourdes, il peut, même s’il est en bon état, craquer.       

Et la situation est lourde à porter…        

Nous sommes soumis, depuis un an, à une surcharge de peurs, d’empêchements (de vivre au présent, et de faire des projets pour l’avenir) ; de privations (de contacts, de culture, de voyages). Et tout cela, sans savoir jusqu’à quand. Nos vies personnelles sont donc chargées d’angoisse, mais nos vies sociales aussi parce que, même si l’on a soi-même une situation stable, voir les commerçants de son quartier fermer boutique, est très déstabilisant.

Les Français sont aujourd’hui, laminés par tout cela. Mais ils le sont aussi parce que le travail de prévention qui aurait pu leur permettre de mieux résister, n’a pas été fait.          

Que voulez-vous dire ?        

Dès le début de la pandémie, étant donné la contamination, le nombre des morts, le confinement, il était clair qu’elle allait être, psychologiquement, très difficile à vivre. Donc, de la même façon que l’on a expliqué la dangerosité du virus pour le corps, il aurait fallu, pour leur permettre de se protéger, alerter les gens sur sa "dangerosité psychologique". Expliquer ce qu’il nous fait porter, et la façon dont cela nous fragilise.

Or non seulement on ne l’a pas fait, mais on a nié la gravité du problème en se limitant bien souvent à des conseils pour "rester zen". Donc tous ceux qui n’en pouvaient plus, ont faute d’informations, attribué leurs difficultés à une fragilité personnelle ; ce qui les a conduits à se dévaloriser. Et, devenus aussi vulnérables que des grands brûlés et ne supportant plus rien, ils ont accumulé dans leurs vies personnelles et professionnelles, des problèmes relationnels que, dans leur état normal, ils n’auraient pas eus ; et donc majoré leurs souffrances. On entend cela tous les jours dans les consultations          

Donc on a raison de parler d’effondrement psy ?          

Oui et non. Oui parce que l’on désigne un épuisement qui doit être pris en compte, et en charge. Non parce qu’après avoir nié les problèmes, on les dénature, et on les dramatise en les pathologisant : on parle de "vague psychiatrique", de "problèmes de santé mentale" etc...

Ce qui, en les faisant se penser malades, invalide plus encore les gens et les empêche de se reprendre en mains. Et qui de plus est faux : ce n’est pas leur psychisme qui est défaillant, c’est la charge qui est trop lourde. Il faudrait donc, à l’avenir, réussir à trouver un juste milieu entre prendre le psychisme pour un gadget, et crier à la maladie mentale. Et c’est aussi sans doute l’une des leçons de cette pandémie.  

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