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C'est mon affaire. Quels sont mes droits en matière de déconnexion ?

Le droit à la déconnexion, invention française, va-t-il se répandre dans toute l’Europe ? Le Parlement s’est penché sur la question. La Commission européenne doit bientôt légiférer. Mais concrètement, c’est quoi ce droit à la déconnexion ?

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le droit à la déconnexcion existe : "Personne ne doit se voir reprocher de ne pas avoir été connecté en dehors de ses heures de travail", selon l'ancien DRH d'Orange, Bruno Mettling (CAROL YEPES / MOMENT RF  / GETTY IMAGES)

Bruno Mettling est à l’origine de la situation française sur le droit à la déconnexion. Ancien DRH d’Orange, aujourd’hui à la tête du cabinet de conseil Topics, il a rendu en 2015 un rapport sur le droit à la déconnexion, qui a donné lieu à une loi.

franceinfo : Qu’en est-il aujourd’hui, un salarié peut-il se prévaloir de son droit à la déconnexion pour ne pas répondre à ses mails en dehors des heures de travail sans être sanctionné ?

Bruno Mettling : C'est la définition du droit à la déconnexion. Personne ne doit se voir reprocher de ne pas avoir été connecté en dehors de ses heures de travail. Cela c'est le droit, le code du travail. Ensuite les modalités concrètes de mise en oeuvre, au-delà du principe général, sur lequel n'importe qui peut s'appuyer si on le sollicite et si on le sanctionne, la pratique concrète de la mise en oeuvre de ce droit, elle se décline entreprise par entreprise dans le cadre des négociations sociales.

Les juges reconnaissent ce droit et l'appliquent ? 

La loi est très claire dans son principe. Le juge regardera ce qui a été négocié mais un salarié qui se voit sanctionné pour ne pas avoir été connecté en dehors des heures de travail peut se prévaloir de cette atteinte à son droit.

Même si tout ça se négocie entreprise par entreprise...

La France a été l'un des tous premiers pays à mettre en place ce droit. Je me rappelle encore de vos confrères américains m'interviewant et se moquant de ces Français qui ne pensait qu'à ne pas travailler, alors qu'aujourd'hui toutes les entreprises à San Francisco se prévalent de ce droit à la déconnexion.

De temps en temps quand notre pays est en avance en matière de défense des salariés, il faut savoir le souligner. Aujourd'hui la Commission européenne nous interroge. On est clairement pionnier en la matière.

Bruno Mettling, ancien DRH d'Orange

Cela dit, le problème qu'on a dans la mise en oeuvre de ce droit, c'est la grande diversité de situations. Vous avez des salariés qui sont confrontés à des outils de production pour lesquels le droit à la déconnexion ne se pose pas vraiment dans la mesure. Et d'autres qui, de part leur métier, prennent le risque d'être en permanence sollicités par leur entreprise ou par des collègues en dehors du temps de travail. Donc on voit bien que c'est compliqué de définir les modalités d'application de la règle sauf à faire un code du travail de X pages et ça n'aurait pas de sens.

Donc la loi renvoie à une obligation des entreprises à négocier un accord. Il n'y a que 16% des entreprises qui vont jusqu'à définir concrètement la non-utilisation des outils le weekend ou passée une certaine heure. Il y a aussi des entreprises qui ont défini des chartes de bonne pratique pour que tous les collaborateurs soient bien informés. Et puis il y a encore trop d'entreprises qui n'ont pas décliné concrètement ce droit. Et c'est ça qui est devant nous, parce qu'avec le télétravail, la définition précise de ce droit devient, entreprise par entreprise, indispensable.

Mais pour les entreprises qui n'ont rien fait, il n'y a pas de sanction ?

En matière de droit social, mon expérience c'est que quand on a un nouveau droit, sur un terrain qui se construit, c'est important de ne pas prétendre à être dans la sanction. Par contre, je pense que le temps est venu de faire un bilan partagé, dans le dialogue social, de la mise en oeuvre de ce droit, et de voir comment on peut progresser dans la généralisation de ce droit.

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