Cet article date de plus de trois ans.

C'est mon affaire. Surveillance des salariés, quels sont mes droits ?

Le procès de plusieurs dirigeants d’Ikea s’est tenu toute cette semaine. Un patron peut-il surveiller ses salariés, lancer des enquêtes ?

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'ancien directeur d'Ikea ​​France, Stefan Vanoverbeke arrive au palais de justice de Versailles, le 22 mars 2021, avant le procès d'Ikea ​​France en tant que personne morale avec plusieurs de ses anciens dirigeants, sur des accusations de gestion d'un système élaboré pour espionner le personnel et les candidats. (MARTIN BUREAU / AFP)

Sabrina Kemel est avocate, spécialisée en droit du travail. Elle détaille aujourd'hui les droits des salariés, à la suite de la mise en cause et du procès cette semaine de dirigeants d'Ikea France, pour collecte illégale et recel de données personnelles entre 2009 et 2012. Un procès qui se poursuit jusqu'au 2 avril devant le tribunal correctionnel de Versailles.

franceinfo : En quoi les dirigeants d’Ikea ont-ils outrepassé leurs droits ?

Sabrina Kemel : Ils ont mis en place des dispositifs clandestins et déloyaux qui n'ont pas été portés à la connaissance des salariés, ce qui dans notre droit n'est pas possible.

La loi dit que le salarié doit savoir qu'on enquête sur lui et qu'il puisse présenter sa défense

Oui, le principe c'est qu'aucune information concernant un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté à sa connaissance.

Pourtant la justice vient d'admettre qu'un employeur pouvait secrètement enquêter sur son salarié ? 

Dans cette affaire, il s'agissait d'un cabinet d'audit spécialisé en risques psycho-sociaux, qui avait été diligenté par l'employeur pour mener une enquête suite à des faits de harcèlement moral. Il ne s'agissait pas d'une filature ou de collecter des informations personnelles sur ce salarié.

Un employeur peut parfaitement mettre en place une enquête s'agissant de cas de harcèlement moral, d'autant plus que les délégués du personnel ont été informés. Il n'y a rien de déloyal dans tout ça, il n'y a rien de frauduleux.

Un employeur peut-il espionner la boite mail d'un salarié ?

Le principe c'est que tout ce qui est professionnel, tout ce qui émane d'un outil professionnel, est professionnel. Sauf si le salarié y appose la mention "personnel et confidentiel". Donc, un employeur peut parfaitement accéder à la boite mail d'un salarié et consulter tous les mails qui ne sont pas estampillés "personnel".

Et pour ce qui concerne le casier, le vestiaire, le bureau ?

Le casier, c'est un peu plus strict. La fouille doit être prévue par le règlement intérieur, et elle ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits des salariés. Il faut aussi que l'employeur ait un motif légitime de fouille, et que le salarié ait été présent lors de la fouille, qu'il ait été prévenu.

Il faut aussi qu'il ait la possibilité de s'opposer à un tel contrôle. Il peut même exiger la présence d'un témoin. Pour le bureau, toutes les affaires qui s'y trouvent sont considérées comme professionnelles, sauf si elles sont estampillées "personnel".

Un employeur peut-il installer des caméras, dans quelles conditions ?

Comme tout dispositif de contrôle, c'est soumis à une procédure assez stricte. Le CSE doit être averti, les salariés doivent être informés individuellement. On doit leur expliquer quelle est la durée de conservation, quel est le fondement juridique, à quoi ça sert et quels sont leurs droits, et il doit y avoir un panneau signalant le dispositif mis en place. Il doit être justifié. Si on met en place une vidéo pour prévenir les vols alors qu'il n'y a aucun risque, ça n'est pas justifié et la vidéo devra être supprimée. 

Il y a des endroits où on ne peut pas installer de caméras ?

En effet, dans les vestiaires, ça n'est pas proportionné. Il y a des lieux qui permettent la captation d'images et d'autres non. Les caméras ne doivent pas capter des images en permanence, ça c'est interdit également.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.