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Le "devoir conjugal" : quelle obligation entre la loi et la jurisprudence ?

Tout l’été dans "C’est mon affaire", on s’intéresse à la famille. Avec cette question aujourd’hui, le "devoir conjugal" est-il vraiment une obligation ?
Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Du côté de la loi, rien sur le devoir conjugal. Dans une jurisprudence invariée, les juges condamnent des hommes ou des femmes qui ne respectent pas leur "devoir conjugal", qui n’ont pas de relations sexuelles régulières avec leur conjoint. (Illustration) (COURTNEYK / E+ / GETTY IMAGES)

Le "devoir conjugal" est une épineuse question, dans laquelle il y a d’un côté, ce que dit la loi, et de l’autre, ce que disent, avec une belle constance, les juges, la jurisprudence. Du côté de la loi, rien sur le devoir conjugal. La loi sur le mariage prévoit que les époux "s’obligent mutuellement à une communauté de vie". Aucune référence explicite à l’obligation d’avoir "une communauté de lit", et, partant, des relations sexuelles. Mieux, la loi a introduit régulièrement depuis 2006 des renforcements de l’interdiction du devoir conjugal par la condamnation du viol entre époux. 

franceinfo : Mais les juges du mariage ont une interprétation différente des juges du droit pénal ?

Philippe Duport : Oui, "les juges ont la peau dure", résume Me Anne Marion de Cayeux, avocate spécialisée en droit de la famille au barreau de Paris, et médiatrice. Dans une jurisprudence invariée, ils condamnent des hommes ou des femmes qui ne respectent pas leur "devoir conjugal", c’est-à-dire qui n’ont pas de relations sexuelles régulières avec leur conjoint. Il n’y a en effet pas de devoir conjugal ou d’obligation de fidélité dans le cadre d’un Pacs.

Concrètement, quelle est cette obligation ?

C’est par exemple la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence qui juge que le refus d’entretenir des relations sexuelles dans le cadre du mariage est "injurieux" pour le conjoint, et constitue une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations maritales, qui rend intolérable le maintien de la vie commune.

C’est la Cour d’Appel de Poitiers qui dit que le divorce doit être prononcé aux torts exclusifs du mari, qui refuse de partager la chambre de sa femme. Concrètement, ce sont donc des juges qui continuent de prononcer des divorces pour faute, et peuvent même condamner à des dommages et intérêts.

Cette situation peut-elle évoluer ?

Me de Cayeux plaide pour la suppression pure et simple de cette faute, car la liberté sexuelle et le droit de disposer de son corps, sont des droits fondamentaux ne souffrant aucune limitation ni exception, les époux pouvant toujours recourir à une demande de divorce pour "altération définitive du lien conjugal", motif légal de divorce depuis 2004, et qui permet d’obtenir un divorce par le seul effet de la séparation effective des conjoints, pendant un certain temps.

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