Comment les avocats conseillent-ils les entreprises sur le télétravail ?
Les employeurs, le télétravail et les avocats. Quel rôle jouent les hommes de loi ? Les dossiers sont nombreux. Décryptage avec Sarah Lemoine.
franceinfo : Quelles sont les alertes que lancent ces avocats aux chefs d'entreprise ?
Sarah Lemoine : Parmi elles, il y a le télétravail à l’étranger. C’est le cas du salarié, par exemple, dont le conjoint est muté dans un autre pays. Il veut conserver son boulot et demande à son entreprise s’il peut poursuivre sa mission en travaillant à distance, hors de France. L’employeur n’y est pas opposé par principe.
Sauf que télétravailler à l’étranger, de façon durable, soulève un tas de questions, en matière de sécurité sociale, de droit du travail, de fiscalité et d’assurance, résume Olivia Guilhot, associée chez Voltaire Avocats. Elle conseille d’ailleurs à ses clients de bien spécifier, dans les accords, si le travail à distance à l’étranger est autorisé ou non, pour éviter les contentieux.
Récemment, une entreprise a été attaquée aux prud’hommes par une salariée licenciée pour faute grave. Elle avait télétravaillé en catimini au Canada, puis refusait de revenir. Cette dernière a été déboutée.
Des alertes aussi sur le contrôle du temps de travail ?
Diane Buisson, avocate associée chez Redlink, affirme mettre en garde les employeurs sur le contrôle du temps de travail. Un salarié qui télétravaille beaucoup trop, c’est de la responsabilité de l’employeur. S’il réclame de l’argent pour des heures supplémentaires et que l’entreprise n’a rien mesuré, ce sera compliqué pour elle devant un tribunal.
La jurisprudence est généralement favorable aux salariés, rappelle l’avocate. La solution peut passer par une pointeuse électronique ou un compte rendu en fin de journée, sur le travail effectué, bien que cette dernière option fasse hurler les syndicats.
Les avocats sont-ils saisis pour des demandes de suppression totale du télétravail ?
Aucune des deux avocates interrogées n’a été confrontée à ce cas de figure. Il n’y a pas vraiment de retour en arrière, affirme Diane Buisson, associée chez Redlink. En revanche, les interrogations sur le nombre de jours accordés en télétravail sont dans l’air du temps, avec une tendance à la diminution.
Sa consœur, Olivia Guilhot, dit entendre beaucoup parler de perte de productivité. Si un employeur agite cet argument pour réduire le télétravail, elle lui conseille de le démontrer, indicateurs à l’appui, pour convaincre les salariés, mais aussi les syndicats. Les salariés n’aiment pas qu’on touche à ce bénéfice, dit-elle, surtout quand le rétropédalage se fait de façon arbitraire. Si le retour en présentiel se traduit par enchaîner des visioconférences toute la journée, seul dans son bureau, c’est encore pire.
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