Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie : quand les entreprises viennent en aide aux salariés atteints de troubles DYS
Carrefour vient de présenter un plan d'action destiné à soutenir les salariés du groupe qui souffrent de troubles DYS ou en situation d'illettrisme.
franceinfo : Comment le groupe de la grande distribution en est-il venu à prendre cette initiative vis-à-vis des collaborateurs qui souffraient de ces troubles ?
Sarah Lemoine : Yann Chable est contrôleur de gestion au sein du groupe Carrefour. Lorsqu’il a été recruté comme comptable, il y a 25 ans, il n’a pas révélé qu’il souffrait de dyslexie et de dysorthographie, c’est-à-dire de difficultés pour lire et surtout, dans son cas, pour écrire. Comme son métier consiste essentiellement à manier des chiffres, il a pu cacher la situation pendant 15 ans, mais au prix d’épuisantes stratégies de contournement. Il a finalement brisé le tabou lorsque deux de ses enfants ont été diagnostiqués DYS, et qu’il a rejoint une association.
Rencontrer plein d’adultes souffrant de troubles similaires a libéré sa parole, dit-il. Se sentant en confiance professionnellement, il a pu en parler à ses collègues, qui l’ont épaulé pour corriger des mails et des comptes rendus. Yann Chable dirige aujourd’hui une équipe de huit personnes et a aidé le groupe Carrefour à déployer un plan d’action.
En quoi consiste ce plan ?
À sensibiliser, d'abord, tous les salariés aux difficultés de lecture, qu’elles soient liées à l’illettrisme ou aux troubles DYS, via des bandes dessinées, diffusées dans les espaces communs. Ensuite, à former spécifiquement les managers et les RH de proximité. À charge pour eux de repérer les collaborateurs concernés, et de leur proposer, avec bienveillance, un accompagnement.
D’ici deux ans, Carrefour s’engage à financer des formations personnalisées pour 2000 salariés en situation d’illettrisme, et 300 bilans orthophoniques gratuits, par an, pour ceux qui ont des troubles DYS. Les outils informatiques ont par ailleurs été réaménagés : claviers spéciaux, police de caractères adaptés, passage facilité de l’écrit à l’oral ou l’inverse.
Enfin, les salariés les plus en difficulté sont accompagnés, s’ils le souhaitent, vers une reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH), qui permet de financer notamment l’adaptation du poste de travail avec des outils informatiques, sous licence, encore plus perfectionnés.
Quelle est la motivation de Carrefour ?
Le déclic est venu des directeurs de magasins et des entrepôts, affirme Carine Kraus, directrice de l’engagement. Ils ont remonté que des salariés comprenaient mal les consignes de sécurité ou avaient du mal à lire les emballages, ce qui pose problème pour la mise en rayon des produits. Les troubles de la lecture sont un handicap invisible, et trop tabou, dit-elle, pour que les salariés en parlent d’eux-mêmes.
Un tabou bien réel, confirme Agnès Vetroff, présidente de l’association des parents d’enfants dyslexiques (Apedys). Selon elle, beaucoup d’adultes souffrent de failles d’estime, surtout quand ils n’ont pas été diagnostiqués. Carrefour n’est pas la seule entreprise à accompagner des salariés en situation d’illettrisme ou avec des troubles DYS, mais le plan d’action du groupe de distribution est inédit, dit-elle, parce qu’il cible un grand nombre de personnes, et qu’il est collectif, c’est-à-dire que toute l’organisation est embarquée.
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