Rapport au travail : les moins de 30 ans ressemblent à leurs aînés

L’image qui colle aux moins de 30 ans dans le monde du travail n’est pas toujours flatteuse depuis la Covid 19. On les dit moins investis, moins fidèles, plus individualistes, plus attachés à leur vie personnelle. Une enquête publiée cette semaine déconstruit ces clichés.
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les jeunes ont une relation au travail très proche de celle de leurs aînés, contrairement aux idées reçues (ILLUSTRATION). (EZEQUIEL SAMBRESQUI / MAXPPP)

Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils si différents de leurs aînés dans leur rapport au travail ? La période postpandémie a-t-elle créé un divorce générationnel ? Pour creuser le sujet, le think tank Terra Nova et l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) ont mené une enquête miroir. Les explications de Sarah Lemoine.

franceinfo : 3000 jeunes de 18 à 29 ans, ayant déjà eu une activité professionnelle, ont été interrogés et les mêmes questions ont été posées à 2000 actifs âgés de 30 à 65 ans. Quels sont les résultats ?

Sarah Lemoine : Il n’y a pas de différences fondamentales entre ces deux classes d’âges et quand elles existent, elles sont "souvent discrètes" selon l'étude. D’abord, un jeune sur deux estime que le travail est aussi important, voire davantage, que les autres sphères de sa vie privée. Cette proportion est identique chez les 30-44 ans et elle est même supérieure aux 45-65 ans. Les jeunes ne sont pas plus rétifs à l’autorité : la moitié d'entre eux acceptent d'être en accord avec les décisions ou disent les comprendre pour les accepter. Pareil pour les plus âgés. La quête de sens ? Elle traverse tous les âges. Elle s’exprime un peu plus fortement d’ailleurs chez les 30-65 ans, ou chez les jeunes très diplômés, avec de hauts revenus. En revanche, les jeunes actifs ont davantage la bougeotte : un tiers des sondés ne s’imagine pas rester dans son métier actuel plus de trois ans ; c’est bien moins chez les plus âgés.

Le rapport au télétravail est-il est plus fréquent ou mieux perçu chez les jeunes ?

Pas vraiment. D’après l’enquête, seulement 40% des jeunes actifs déclarent télétravailler. C’est 10 points de moins que pour les 30-44 ans, et un peu plus que les 45-64 ans. Ils sont même plus nombreux en proportion que leurs aînés à exprimer des sentiments négatifs : pouvoir moins apprendre de ses collègues, être trop sédentaires, rater des informations, être isolés. Cela contredit le discours ambiant d'une forme de distanciation avec le monde professionnel et du collectif de travail qui serait recherché par les jeunes à travers le télétravail.

"Attention aux clichés sur les jeunes" prévient d'ailleurs Gilles Gateau, le directeur de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). "Questionnons plutôt le rapport au travail, la capacité à s'épanouir dans une organisation du travail. La crise Covid a révélé une source d’insatisfaction qui était déjà présente. Et ce n'est pas une question de génération."

Il existe bien sûr des différences entre les 18-30 ans et leurs aînés, souligne de son côté Terra Nova, mais il faut les interpréter "en fonction de la position occupée dans le cycle de vie, du niveau moyen de formation, et du contexte économique et social de l’insertion dans le monde du travail. L’âge n’est sans doute pas le meilleur lecteur des principales différences dans le rapport au travail."

Pourquoi alors les jeunes actifs sont-ils si sévèrement jugés ?

Terra Nova et l’Apec pointent les conclusions hâtives ou erronées émanant d’enquêtes récentes et largement diffusées. Terra Nova fait aussi l’hypothèse d’une "défiance à l’égard des jeunes" de la part "d’une société vieillissante et conservatrice, qui craint de voir dépérir les valeurs qui ont structuré son monde professionnel".

Tiens, d’ailleurs, qui a dit : "Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge" ? C’était Socrate, il y a 2500 ans...     

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