La web-série, nouvel outil de la communication politique pour la campagne présidentielle ?
Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont choisi de scénariser leurs campagnes présidentielles dans des web-séries qui empruntent les codes des plateformes comme Netflix. Pourquoi la fiction peut-elle aider la politique ?
Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron se sont lancés dans la scénarisation de leurs campagnes pour l'élection présidentielle, avec des docu-fictions diffusés sur Youtube et les plateformes. Emmanuel Macron a d’aileurs choisi de compléter sa lettre aux Français pour l’annonce de sa candidature avec une vidéo, qui se présentait comme le premier épisode d'une web-série intitulée "Le Candidat". Un format hebdomadaire, avec un nouveau numéro posté tous les vendredis vers 18 heures : on y suit Emmanuel Macron à l'Elysée, dans ses déplacements de campagne et, fait distinctif, il est accompagné d'un vidéaste qui lui pose des questions. Avec, en sus, tous les codes de la bonne vieille série Netflix : musique, plans serrés, image qui bouge un peu pour créer une impression de proximité avec le candidat.
"Avec ce nouveau support de communication politique, il y a plusieurs objectifs, explique Gaspard Gantzer. Le premier est certainement de surfer sur la vague du succès des séries sur toutes les plateformes que l'on connait : les gens aiment ce type de narration, le rêve que cela donne. Le deuxième est de son donner, par la narration, les attraits de la modernité, un peu comme il l'avait fait avec McFly et Carlito, les deux youtubeurs. Le troisième objectif est d’occuper le terrain dans un moment de la campagne où il ne se passe pas grand-chose. Enfin, le quatrième objectif est de se rendre sympathique parce qu'il sait que certains lui reprochent son arrogance et sa distance."
En 2012, la série "En Marche" de... Mélenchon
Emmanuel Macron n'est pas novateur : Jean-Luc Mélenchon est le premier à avoir créé sa web-série, déjà en novembre 2011. Le candidat du Front de Gauche s'était fait filmer jusqu'au premierr tour de l'élection en mai 2012, et cela ne s'invente pas, sa série s'appelait... "En Marche". Pour cette campagne, Jean-Luc Mélenchon a donc choisi de renouer avec ce support de communication, et a lancé une web série, "Nos pas ouvrent le chemin", diffusée depuis le 1er aout dernier. Ainsi, par exemple, dans le numéro 12, posté le 4 mars, le candidat insoumis discute avec des adolescents dans les rues de Digne-les-Bains.
Les deux web-séries des deux candidats sont assez différentes dans la mise en scène : le premier s'adresse constamment à la caméra, répond à des questions, dans des formats courts de dix minutes maximum. Le deuxième le fait rarement, et on ne voit pratiquement que les coulisses de sa campagne. Le format est d’ailleurs plus long : trente minutes environ.
Comment interpréter ces choix ? "Emmanuel Macron assume davantage le fait que la série soit centrée sur lui, explique Gaspard Gantzer. Il assume davantage sa fonction présidentielle, sa posture jupitérienne et verticale. Jean-Luc Mélenchon a deux autres objectifs : montrer qu'il fait partie d'un collectif, qu'il a une équipe autour de lui et qu'il a une bonne relation avec les gens. Parce qu'on se souvient qu'il y a quelques années il avait créé la polémique en prononçant cette phrase "La République c'est moi !" qui l'avait rendu antipathique. Il essaie donc de se rattraper."
L’audience de ces séries est tout sauf confidentielle
Emmanuel Macron a choisi un prestataire extérieur pour réaliser sa web série, tandis que ce sont les équipes internes de Jean-Luc Mélenchon qui le filment. "Jean-Luc Mélenchon a choisi la simplicité et l'efficacité, avec des collaborateurs pour réaliser la web-série, poursuit Gaspard Gantzer. Emmanuel Macron, lui, a voulu s'appuyer sur un réalisateur extérieur qui donne l'impression que c'est un journaliste qui pose les questions. Mais cela pose aussi d'autres questions, puisque dans cette web-série on voit des images de l'Elysée et Emmanuel Macron et son entourage entretiennent ainsi la confusion entre le candidat et le président, ce qui pourra poser des problèmes du point de vue de la campagne électorale." Le nombre de vues de ces web-séries est, en tous les cas, loin d'être confidentiel : évidemment, avec le démarrage de la campagne, il décolle, et dépasse les 100 000 vues en moyenne. Emmanuel Macron a battu les scores avec plus de 300 000 vues pour son premier épisode.
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