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Cinéma week-end. "Atlantique", le cinéma pour faire le deuil

Grand Prix du Jury au dernier festival de Cannes, le film de la franco-sénégalaise Mati Diop est une évocation, à la fois réaliste et fantastique, du drame des migrants en Afrique de l'Ouest.  

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Mama Sané dans "Atlantique" de Mati Diop (Ad Vitam)

 Au début des années 2000, des milliers de jeunes sénégalais tentent l'impossible traversée vers l'Europe sur des embarcations de fortune, une grande partie d'entre eux disparaitra en mer.

Mati Diop a d'abord travaillé son scénario comme celui d'un documentaire, et le début du film témoigne de façon très réaliste de ce drame, dans son contexte social : la corruption et l'exploitation d'ouvriers spoliés de leur salaire, ce qui les pousse à fuir le pays. Le récit se focalise sur un jeune couple, dont le garçon prend la mer sans prévenir et de toute évidence, il a été englouti par les flots.  

Le cinéma peut faire vivre ces disparus, comme une consolation

Mati Diop

Le film bascule alors dans le fantastique, Mati Diop filme l'absence de ces hommes dans la douleur des femmes restées au pays, douleur dont la seule consolation est hallucinatoire : les disparus reviennent réclamer justice sous la forme de fantômes. La poésie est ici salvatrice, l'actrice non professionnelle Mama Sané est bouleversante et Mati Diop réussit un premier film qui passe par le genre pour dire une grande tragédie de l'époque.    

Le film franceinfo de la semaine : Alice et le Maire de Nicolas Pariser

Fabrice Luchini en édile local de la bonne ville de Lyon, les mauvaises langues diront que la comparaison avec Gérard Collomb est un piège, car Paul Théraneau, ce maire de cinéma lui, est plutôt sympathique et vraiment de gauche. Fabrice Luchini jouant un personnage de gauche, c'est en soi assez drôle, et le film peut être qualifié de comédie politique désenchantée. D'autant plus que ce vieux baron de province a un gros souci, en panne d'idées, il déprime.  

Les politiques sont tellement obsédés par leur métier qu'ils en oublient la pensée

Nicolas Pariser

C'est Alice, Anaïs Demoustier, prof de philo qui est recrutée pour insuffler des idées à ce maire étouffé par un aéropage de conseillers et communicants taillés pour vous dégoûter à jamais de la politique. Le duo est subtil, fort en réflexion, touchant comme s'il s'agissait d'une histoire d'amour et il est jubilatoire de voir au cinéma, sur ce ton léger, assez rhomérien, s'animer des réflexions ô combien actuelles.  

Le regard de Charles de Marc Di Domenico avec les images tournées par Charles Aznavour

Un an après sa mort, revoilà Charles Aznavour, devant et derrière la caméra, dans Le regard de Charles. Film réalisé par Marc Di Domenico, mais dont les images tournées entre 1948 et 1982 sont de Charles Aznavour. Quand bien avant d'être célèbre, Edith Piaf lui offre une petite caméra, le chanteur tourne frénétiquement. Ses tournées, les stars qu'il rencontre aux États-Unis, sa famille, ses amis, on voit Françoise Sagan faire du ski nautique, et même Aznavour et Lino Ventura, en train de jouer dans Un taxi pour Tobrouk en posant sa caméra sur le capot de la jeep, dans l'une de scènes les plus connues du film.

Le montage de ces images intimes est aussi un témoignage des époques traversées avec des constantes : Charles Aznavour sait filmer et il a, consciemment ou pas, saisi des anonymes du bout du monde qui évoquent son propre parcours, celui d'un homme qui a triomphé de la misère et de l'exil.              

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