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Cinéma week-end. "Synonymes": Il n'y a pas d'issue géographique

Nadav Lapid a remporté l'ours d'or à Berlin avec un film qui s'attaque frontalement à l'identité israélienne.   

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Tom Mercier dans "Synonymes" de Nadav Lapid (SBS Distribution)

On connaît la qualité du cinéma israélien, son engagement, son regard critique sur la question palestinienne, mais rarement on avait vu un cinéaste aller aussi loin. Yoav, qui marche dans les pas de Nadav Lapid plus jeune, quand il vivait à Paris, décide de fuir Israël après son service militaire pour devenir français. A peine arrivé à Roissy il décide de ne plus prononcer un mot d'hébreu et entame son voyage vers un pays fantasmé, par la langue, qu'il maîtrise mal et dont il abuse des synonymes. C'est un couple jeune, aisé et un peu blasé qui accueille Yoav, bel homme au corps d'athlète qui veut séduire le cœur de Paris sans découvrir sa beauté qui pourrait le pervertir.

La seule façon de se détacher de ce désir d'être jeune à nouveau, c'est de trouver une version améliorée, mieux que vous

Nadav Lapid

Radical, maladroit, ce personnage nous montre qu'il n'y a pas d'issue géographique et que la France qu'il a idéalisée n'est pas si accueillante que ça. Mais le cœur du film reste cette remise en question de l'identité israélienne, formatée selon le réalisateur par le service militaire, trois ans donnés à l'Etat et qui marquent toute une vie.

Synonymes est un film organique, à la forme très audacieuse, comme un ressac rafraîchissant de la nouvelle vague et la découverte de l'acteur Tom Mercier fait penser au lien qui unissait François Truffaut à Jean-Pierre Léaud, Nadav Lapid.    

Companeros d'Alvaro Brechner retrace un épisode tragique de l'histoire de l'Urugay pendant la dictature militaire. 1973, comme ailleurs en Amérique Latine, l'armée prend le pouvoir, le mouvement des Tupamaros est vaincu et c'est avec un sadisme sans borne que la junte fait payer aux combattants de gauche leur défaite. 10 militants ont droit à un traitement de faveur particulièrement inhumain, ils ne sont pas prisonniers mais otages, maltraités, affamés, humiliés, déplacés fréquemment, pendant 12 ans ils vivent un calvaire qui poussera certains vers la folie ou le suicide.  

Je ne sais pas quel type d'acteur je suis, mais j'aime penser que j'ai le moins de limites possible

Antonio De La Torre

Companeros se focalise sur trois de ces personnages historiques dont José Mujica qui deviendra plus tard président de l'Uruguay. Alvaro Brechner esthétise un peu trop cette lutte pour la survie, mais ses acteurs sont bouleversants, notamment quand une relation s'installe entre ces prisonniers et leurs geôliers. C'est l'Espagnol Antonio De La Torre qui incarne Jose Mujica, vu dans Abracadabra, Que Dios nos perdone, La colère d'un homme patient, il impressionne encore une fois par son engagement physique qui fait de lui un acteur à part.                

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